Une semaine était passée depuis l'attaque qui n'était pas passée loin de détruire toutes les communautés de Silvergate. Depuis, tout ce qui avait été à l'esprit de Pearl, ça avait été de remettre de l'ordre dans ce bâtiment que leur servait de refuge.

Car c'était dans son musée, chez elle, que la bataille finale avait eu lieu. Les traces des événements étaient partout. Oh ! Les dommages auraient pu être plus grave, vu les circonstances ! Paradoxalement, les soldats ennemis avaient été assez respectueux des lieux - c'était surtout les combats et les zombies qui avaient fait des dégâts... Mais même ainsi, Pearl ne pouvait plus regarder nulle part sans se souvenir de cette journée atroce... Et elle se doutait que ça devait être pareil, ou même pire, pour les autres habitants.

Elle avait été blessée à la machoire - qui avait désormais pris une assez horrible couleur violacée - et parler était difficile. Ca ne l'avait pas empêchée de prendre les rênes de l'organisation des réparations. Elle faisait en sorte que tout le monde aie quelque chose à faire, dans l'ordre des priorités. Prendre les blessés en charge. Nettoyer la grande salle. Evacuer les cadavres de zombies. Remettre l'infirmerie en état. Lister les ressources manquantes. Partir en mission de collecte de vivres. Il y avait tant de choses à faire... C'était sans fin.

Maintenant, un nouveau problème se posait. Plus simple ou plus compliqué ? Ca dépendait sans doute des points de vues...

Elle était descendue seule dans le parking du musée où l'attendait un spectacle bien laid. A même le sols, allignés et couverts de draps, se trouvaient des douzaines de corps.

Les quelques membres du musée qui avaient péri durant l'assaut avaient déjà été enterrés derrière le bâtiment, durant une cérémonie qu'elle avait présidé. Les autres communautés avaient récupérés leurs morts, les emportant pour en disposer comme ils voulaient... Ceux qui restaient... C'était les autres. Les ennemis. Sanders et ses compagnons. Personne n'avait là pour les récupérer, personne n'avait voulu s'en occuper, alors ils étaient restés là, alignés dans les sous sols du musée - mais plus le temps passait, et plus il devenait urgent de trouver une solution.

Pearl était épuisée. Elle avait à peine dormi depuis une semaine. Debout devant ces cadavres, elle soupira de frustration et d'épuisement. Chaque idée lui semblait odieuse. Un feu ? Une fosse commune ? Les abandonner, tout simplement, quelque part en ville ? C'était si ignoble. N'était-ils pas sensés être des gens civilisés ? Et pourtant... Opter pour un enterrement respectueux, vu les circonstances, semblait tout aussi absurde. Après ce que ces soldats leur avaient fait ? Et alors que tout le monde au musée était blessé, épuisé et affamé ? Qui aurait accepté ça ? En plus, ils ne connaissaient même pas leurs noms.

Alors, quelle était la solution parfaite que la chef du musée était sensée trouver ? Et bien, elle n'en savait fichtre rien. Elle se massa les tempes, dse frotta les yeux, grimaça à cause de son visage tuméfié. Toujours aucune réponse. Rien ne lui venait.

Elle ferma les yeux. Elle ne comprenait même plus vraiment qui elle était... Quel genre de personne était-elle devenue, depuis l'apocalypse ? Une femme qui pouvait se tenir dans une salle remplie de cadavres sans flincher, comme si c'était tout naturel ? Elle avait été une historienne de l'art. Elle avait été une personne calme et cultivée. A présent... Elle se reconnaissait à peine.

Et l'humanité. Elle reconnaissait à peine l'humanité. Etait-ce à ça qu'ils étaient réduits ? En juste quelques années après la chute de leur société moderne ? Si les choses continuaient à ce rythme, ils faisaient réellement face à une extinction de l'espèce. Peut-être que leur résistance ne servait à rien. Peut-être qu'elle se berçait d'illusions, en tentant de préserver ce musée.

Grand Dieu, cette histoire de cadavres menaçait d'être la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Un bruit derrière elle la ramena à la réalité. Elle ne se retourna même pas pour voir qui s'était. "Je ne sais pas quoi en faire ", dit-elle de but en blanc, avec presque de l'amusement face à l'absurdité de la situation. Sa voix était différente de son habitude, moins claire, à cause de sa blessure.

-"Ils ne peuvent pas rester là. On doit s'en débarasser. Mais comment ?" Elle se tourna vers le nouveau venu. "Une suggestion ?"

Une semaine était passée depuis l'attaque qui n'était pas passée loin de détruire toutes les communautés de Silvergate. Depuis, sécurisé le bâtiment avait été la seule chose à laquelle Luisa pouvait penser.

Car c’était dans leur musée, ce musée qu’elle avait fait le serment de protéger en tant que shériff, que la bataille finale avait eu lieu. Les dégâts étaient visibles de tous les côtés, et à chaque fois que Luisa les voyait, elle ne pouvait songer qu’à une chose.

C’était mon devoir d’empêcher tout ça. Et elle savait qu’il y avait une brèche, quelque part. Cela faisait des mois qu’elle se demandait par où s’était introduit ce zombie solitaire, ce jour-là. Cette anomalie dont elle n’avait parlé qu’à Pearl et @”Rose Tyler”. Refusant d’admettre qu’il devait s’agir d’une négligence ponctuelle, elle avait cherché la brèche, encore et encore, sans résultat.

Lorsqu’elle avait compris que les zombies arrivaient, elle avait voulu tenter quelque chose - faire effondrer l’accès au parking peut-être, pour qu’ils n’arrivent pas jusque dans le musée ? - mais elle était arrivée bien trop tard.

Toutes les communautés avaient payé le prix de cette succession d’échecs. Les victimes avaient été nombreuses. Et ici, dans le parking où elle patrouillait plus souvent que jamais, demeuraient encore les cadavres ennemis.

Pearl se trouvait là, aujourd’hui, plongée dans une profonde réflexion. Elle ne savait pas quoi en faire. Expliqua-t-elle, parlant encore difficilement à cause de sa blessure. Ils ne pouvaient pas rester là. Il fallait s’en débarasser. Mais comment ? Une suggestion ?

- En Colombie, la notion d’Enfer et de Paradis n’existe pas. Il y a le Pays de ceux dont on se Souvient et le Pays de ceux que l’on a Oubliés. Quand un proche meurt, on organise des veillées au cours desquelles on parle de sa vie, on met son nom ou même son effigie sur sa tombe, et on le célèbre chaque année lors du Día de los Muertos. Mais quand un criminel décède… on l’enterre au bord de la route, dans une tombe anonyme et non marquée. On lui accorde une sépulture, mais il est condamné à l’oubli.

Luisa n’a pas osé formuler cela comme un plan, ou même comme une suggestion, malgré l’invitation de Pearl. Tout juste a-t-elle raconté ce qu’elle connait, libre à la chef de la communauté d’en tirer ce qu’elle veut.

Elle sort de sa poche son badge de shériff, qu’elle n’arrive plus à porter depuis cette nuit fatidique.
- Je voulais te donner ça. Je participerai toujours aux patrouilles, aux expéditions, je ferais tout ce que tu me demanderas. Mais je… Je ne le mérite pas.

Pearl était à bout - pas juste physiquement - même si sa mâchoire restait vraiment douloureuse - mais surtout émotionellement. Le problème des cadavres sans "propriétaires" aurait dû être facile à gérer, mais il lui semblait insurmontable, aujourd'hui.

Luisa, qui était discrètement apparue derrière elle, avait une solution - peut-être. En tout cas, elle avait une histoire, une croyance colombienne sur les morts, leur sort après leurs décès, et le type de scépultures qu'on réservait aux criminels.

Condamnés à l'oubli. Elle n'avait jamais entendu parler de cette tradition dont Luisa lui parlait, et pourtant les mots sonnaient justes. Pearl avait aussi entendu dire qu'on pourrait tous deux fois : le jour de son trépas, et puis le jour où son nom était prononcé pour la dernière fois sur Terre. Si tel était le cas, alors ces cadavres anonymes, ennemis de Silvergate tombés au combats, étaient réellement perdus. Qui se souviendrait de leurs noms, à présent ? Où qu'ils les enterrent, quoi qu'ils fassent de leurs dépouilles, ça ne changerait rien à ça.

Des tombes anonymes. Les mettre dans la terre et les oublier. Oui : l'idée n'était pas mauvaise. Il faudrait en parler au prochain comité avev les membres de la communauté... Et se dépécher de la mettre en place. Ils ne pouvvaient plus se permettre de garder ces corps ici très longtemps.

Elle tourna les dos aux corps - elles les avait assez vus pour la journée.

Mais Luisa aussi avait des choses à dire. Sans doute était-ce pour ça qu'elle était venue chercher Pearl dans ce coin du musée - elle avait besoin de lui parler...

Pearl ne répondit pas tout de suite, sans faire un geste pour prendre le badge que la jeune femme avait en main. Ca ne lui plaisait pas, d'entendre Parce qu'elle n'avait, personnellement, jamais eu une mauvaise pensée sur le travail de Luisa. Parce qu'elle avait été très reconnaissante de l'avoir avec elle durant la journée de l'attaque, et qu'elle était persuadée que les choses auraient été bien pires sans elle. Parce que jusqu'à présent, elle n'avait pas réussi à lui faire comprendre.

Et parce qu'elle avait encore besoin d'elle.

-"Miss Madrigal. Luisa." La plupart du temps, elle la vouvoyait - elle gardait ses distances, son attitude "veille école", avec presque tout le monde au musée, comme pour faire survivre un peu la société polie d'avant l'apocalypse. Mais cette conversation-ci devrait être plus personnelle, plus sincère... "Si tu devais te séparer de ce badge, alors je devrais renoncer à mon poste." Peut-êre aurait-elle du, en fait. Pour être honnête ? Elle y avait pensé. Après ce fiasco, c'était difficile de ne pas se sentir responsable de ces morts, de ces traumas. Et de se dire qu'il serait plus facile de rejeter ces responsabilités sur quelqu'un d'autre. Mais quel "autre" ? Elle ne voulait pas mettre sa communauté entre les mains de quelqu'un de mal intentionné, qui ne comprendrait pas ses sensibilités.

Machinalement, elle se massa la mâchoire. Et elle parla, d'une voix fatiguée, mais patiente. "Ecoute... Je ne peux pas prétendre comprendre tout ce que signifie ce badge pour un policier. Ce que ce métier signifiait pour toi, avant, et ce qu'il représente pour toi aujourd'hui. Mais... A mes yeux, le meilleur des policiers est quelqu'un qui protège le public pendant les moments de crise. Qui prend le contrôle de ces situations et qui défend les innocents. Et c'est ce que tu as fait."  

Luisa était descendue au parking parce que la bataille, et la responsabilité qu'il lui semblait avoir dans la situation, la hantaient toujours. Bien sûr, elle avait pris des mesures. Elle avait cherché la brèche sans relâche et, en attendant de la trouver, elle avait renforcé la surveillance autour de l'accès au parking et les patrouilles du périmètre. Mais jamais elle n'avait anticipé qu'une attaque comme celle de Sanders réduirait à néant toute l'organisation des tours de surveillance.

Pearl était déjà là, faisant face aux cadavres. Elle ne savait pas quoi en faire. Ils ne pouvaient pas rester là, ils devaient s'en débarrasser... Mais comment ? Luisa avait-elle une suggestion ? Elle ne se sentait pas vraiment digne d'enfer, mais lui parla de la culture funéraire colombienne, du Land of the Remembered et du Land of the Forgotten, et des criminels enterrés au bord de la route, dans des tombes anonymes, condamnés à l'oubli.

Et puis, maintenant qu'elle trouvait Pearl... Elle voulait lui rendre son badge, ce badge que Pearl lui avait donné symboliquement lorsqu'elle l'avait mise à la tête de la sécurité du musée. Elle participerait toujours aux patrouilles, aux expéditions, ferait tout ce que Pearl lui demanderait... Mais elle ne le méritait pas.

"Miss Madrigal. Luisa." La brune entendit le tutoiement avec surprise. Si elle devait se séparer de son badge, Pearl devrait renoncer à son poste.

Luisa ne savait pas ce que signifait le badge pour un policier - et bien, une position de commande, équivalente à un capitaine, mais sur un poste rural ou isolée. Elle ne savait pas ce que ce métier signifiait pour elle, avant, et aujourd'hui. Mais... A ses yeux, le meilleur des policiers était quelqu'un qui protégeait le public dans les moments de crise. Qui prenait le contrôle de ces situations et qui défendait les innocents. Et c'était ce qu'elle avait fait...
- Je n'ai jamais trouvé la brèche... murmura-t-elle.

Mais ça, Pearl le savait déjà. Elle avait communiqué sur le problème. Elle avait cherché, et elles avaient convenu d'une solution d'appoint, qui aurait parfaitement fonctionné sans Sanders.

Le véritable problème était plus profond.
- Je ne suis pas une vraie flic... avoua-t-elle brusquement.

Elle soupira.
- Enfin... J'étais cadette de police, j'avais terminée l'académie. Mais je n'ai jamais eu la confirmation que j'avais validé le parcours. Je ne suis pas qualifiée pour un poste de commande.

Et pourtant... qui assurerait cette charge à sa place ? L'ancienne hiérarchie n'avait plus cours, aujourd'hui. Et Pearl avait raison. Un policier devait protéger le public pendant les moments de crise. Prendre le contrôle de ces situations, défendre les innocents. Et c'était ce qu'elle avait fait. Luisa inclina la tête, raccrocha enfin son badge, le regard déterminé.

Merci dit-elle simplement. Elle avait ses doutes, et peut-être que Pearl aussi, mais elles ne pouvaient pas flancher. Ensemble, elles maintiendraient le cap.