Août 2023

Klaus ne savait plus du tout où il allait.

L'avait-il seulement su un jour ? Enfin, à part quand il avait la main de David dans la sienne pour le guider, bien sûr. Aux côtés du seul amour de sa vie, tout avait été une évidence du début à la fin. Enfin, pas tout à fait la fin, mais, voilà.

Depuis la mort de David, depuis cette déchargé honorable assortie d'une médaille qu'il n'avait clairement pas méritée… Klaus partait à la dérive, pire, il sombrait, comme un navire que même les rats auraient abandonnés.

Enfin, pas tous. @Jerome Valeska était toujours partant pour ronger la coque de son moral et l'entraîner vers le fond. Tu parles d'un pote, tiens !

Quand à @Ben Hargreeves, avec qui il ne partageait aucun lien du sang malgré leurs noms… Klaus n'était toujours pas totalement prêt à admettre qu'il le menait en bateau, que l'asiatique ne serait jamais prêt à afficher leur relation au grand jour, et que leurs rares moment d'intimité ne seraient peut-être plus jamais teintés de la vulnérabilité de leur première fois. Il voulait y croire, à cette romance !

Et puis il y avait @Jinx, bien sûr, qui l'avait, tant de fois, ramassé à la petite cuillère… Ou plutôt à l'aiguille ! Car si la jeune femme ne rechignait jamais à lui proposer une couverture, un thé ou un câlin… Elle était avant de tout tatoueuse, et c'était bien pour ça qu'il allait la voir. Si la brûlure de l'alcool émoussait tout, celle de l'encre, elle, le rendait pleinement présent, lui faisait enfin éprouver quelque chose.

S'il lui était difficile de se confier à Jérôme ou à Ben par peur du jugement… Avec Jinx, c'était différent, d'une certaine manière. Il n'avait pas peur qu'elle se foute de sa gueule, ni même qu'elle le rejette… Il avait plutôt peur de l'entraîner vers le fond, comme son soi-disant meilleur pote le faisait avec lui.

Oh, la jeune femme aux cheveux bleus n'avait rien d'un ange ou d'une prude, il n'avait aucun doute là-dessus. Ce n'était pas comme s'il allait la choquer... — Quoique, il s'était juré de ne pas lui parler de son rapport à la douleur assez particulier, de peur qu'elle soit mal à l'aise de le tatouer. — C'était plutôt que Jinx était un véritable rayon de soleil turquoise, et qu'il s'en serait voulu de devenir le gars qui la tirerait vers le bas. Ses histoires d'amour toxiques et son stress post-traumatique de vétéran… Mieux valait qu'il la laissé en dehors de leurs détails les plus sordides.

Actuellement, elle le tirait lentement vers le haut, et ça, c'était mieux, non ? Depuis qu'il s'était trainé jusqu'au salon de tatouage fin février, après avoir fracassé une bouteille contre un mur et éclaté sa tempe par la même occasion… Klaus n'avait rien bu, rien fumé, rien pris.

Dans quelques semaines, ça ferait à nouveau six mois de sobriété, et il pourrait à nouveau être fier de ce jeton gagné l'an passé.

Sauf qu'il n'avait toujours pas avoué sa longue rechute aux Veteran's Affairs... Et donc, la semaine prochaine, l'association comptait célébrer les dix-huit mois de sa sobriété.

Et on venait de lui dire qu'à cette occasion, on aimerait bien - s'il se sentait prêt, bien sûr - qu'il devienne à son tour parrain.

Apparemment, le mentorat était une étape essentielle de la guérison… Mais comment pouvait-il aider quelqu'un d'autre à trouver son chemin… Si lui même ne savait pas du tout où il allait ?

En plus, le gars qu'on lui proposait d'accompagner…

Un vétéran comme lui. L'âge qu'il avait en rentrant du front.

Là s'arrêtaient les similitudes. La jambe du jeune avait sauté sur une mine, et ça faisait quelques mois qu'il réapprenait à marcher avec une prothèse. Il était aigri, agressif - surtout verbalement, mais on avait bien cru qu'il allait mettre un pain à son kiné une ou deux fois.

Et donc, on pensait que Klaus pourrait l'aider. Parce qu'il était passé par là… Et qu'il allait mieux. La bonne blague !

Son propre parrain dans l'association l'avait pris à part pour lui dire ça, sur un ton paternel. Il était fier de lui, une fierté que Klaus ne méritait pas. Et finalement, après une tape amicale sur l'épaule, il l'avait laisse partir.

Klaus s'était retrouvé face à l'escalier, seul, parce que tout le monde était descendu depuis longtemps.

Il était l'heure de descendre… Mais il savait exactement ce qu'il se passerait s'il descendait. @Jerome Valeska l'attendrait en bas, il lui proposerait de boire un verre, et Klaus allait craquer.

Il s'engagea dans l'escalier, en direction des étages supérieurs.

Pas cette fois, mon pote.

Et voilà comment, un peu plus tard, il se retrouva sur le toit de l'immeuble, assis sur la balustrade de pierre, les jambes pendantes dans le vide, à regarder le soleil couchant sans vraiment le voir.

Au bout de quelques minutes - ou quelques heures, ou une éternité, il ne savait pas, il avait perdu toute notion du temps - la porte du toit s'ouvrit dans son dos.

- Salut. T'as soif ? demanda-t-il sans même regarder qui était là, en brandissant une bouteille en verre.

Elle était dépourvue d'étiquette et emplie aux deux tiers d'un liquide transparent.

Elle ne sentait pas d'alcool.

C'était juste une eau gazeuse, remplie à la fontaine avant de commencer la séance de ce soir.

Août 2023

Klaus commençait lentement à faire des progrès. Dans quelques semaines, il aurait atteint six mois de sobriété, méritant à nouveau le jeton gagné l’an dernier…

Sauf que personne - à part Jerome, bien sûr - ne savait qu’il avait flanché. Officiellement, on fêtait ses dix-huit mois d’abstinence la semaine prochaine, et on voulait qu’il devienne parrain. La belle affaire !

Et le gars qu’on lui confiait… Un vétéran, mais un digne de ce nom. Un qui méritait d’être là. Un qui avait la haine chevillée au corps, mais c’était pas étonnant, avec sa prothèse. Ce mec là avait des raisons de péter un plomb, pas comme Klaus dont les seuls problèmes étaient à la tête et au coeur.

La fierté de son propre mentor lui avait fait l’effet d’une gifle.
Et maintenant, c’était l’heure de redescendre… Mais il n’était pas près à se confronter au poil-de-carotte. Il avait bien trop peur de céder à nouveau.

C’est sur le toit qu’il atterrit, du coup, perché sur la balustrade, les jambes pendant dans le vide. Sans même regarder l’arrivant, il lui demanda s’il avait soif, en brandissant une bouteille en verre.

Tout dépendait du contenu de la bouteille.

C’est juste de l’eau gazeuse de la fontaine, en bas. Mais elle est bien fraîche, c’est cool avec cette chaleur.

Il savait qu’on le cherchait, en bas ?

Ah bon ? demanda-t-il, surpris, en bondissant précipitamment sur ses pieds.
Puis il réalisa que ça voulait tout et rien dire.

C’est pas un rouquin pas très grand qui me cherche, si ? demanda-t-il pour en avoir le coeur net.