Un don généreux

Trop “Summerdale” pour Bayside Boulevard, et trop “Bayside Boulevard” pour Summerdale, c’était bien souvent difficile de trouver sa place entre deux extrêmes qui ne s’apprécient pas forcément. D’un côté, il avait abandonné son quartier pour vivre parmi les riches, de l’autre, il passait trop de temps parmi les pauvres pour être considéré comme l’un des leurs. Mais Sejanus restait fidèle à ses valeurs, fidèle à ce qu’il ressentait. C’était à Summerdale qu’il s’était toujours senti chez lui, et il tentait au mieux de s’y investir, même si ça ne plaisait pas aux gens. Il ne se sentait de toute façon pas à son aise dans son quartier d’habitation. Malgré le rejet, il se sentait toujours mieux là où il était né.

Son travail à l’association restait très discret, il parlait à peu de gens, bien qu’il ait déjà essayé. Seulement, il ne pouvait pas tromper grand monde, son style vestimentaire, ses vêtements, dénotaient avec le paysage. Il ne pouvait pas vraiment cacher de vieux vêtements dans son armoire et les sortir pour venir à Home for Everyone, il trouverait ça d’autant plus insultant pour les habitants, comme s’il devait revêtir un costume pour aller les voir. Sejanus voulait rester lui-même, et rester intègre. Au moins, il s’entendait bien avec Yuno, ce qui commençait à calmer un peu le rejet habituel. Mais alors que Barbie préparait son départ vers une maison à rénover, le brun ne s’attendait aucunement à être sollicité. Il n’avait jamais rien demandé de mieux que de pouvoir s’investir davantage chez Home for everyone, c’est donc surpris, mais enthousiaste, qu’il accepta.

- Oh,  oui, bien sûr. Pas de problème.

Quelque chose lui disait que Barbie pourrait très bien faire cela seule, mais il n’allait nullement s’en plaindre. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, il se retrouver côté passager d’une décapotable rose bonbon. On ne pouvait décidément pas faire moins discret, il n’avait plus qu’à espérer ne pas croiser la voiture de son père, qui allait sans doute lui faire savoir s’il en avait vent.

- Il vaut mieux en avoir trop que trop peu.

Sejanus entra dans le bâtiment. Bayside Boulevard n’avait que des maisons très modernes, ou rénovées. Il mettrait sa main à couper que les travaux ne seraient donc pas trop conséquents, une fois que la maison serait déblayée. Si Barbie ne prêtait pas attention à son haut blanc, lui ne prêtait pas non plus attention à sa chemise loin d’être bon marché. L’idée de faire des travaux avec l’association lui paraissait être une bonne idée, cela leur ferait un nouveau centre.

- C’est très généreux de sa part. J’imagine qu’elle devait être impatiente de s’en débarrasser.

Les gens de Bayside faisaient peu de choses gratuitement, sauf s’ils voulaient se donner bonne conscience, parfois. Sejanus avait tendance à se méfier de la plupart des habitants de ce quartier, un peu trop conscient peut-être des histoires d’argent qui pouvaient s’y dérouler. Aucun d’entre eux n’était devenu fortuné en comptant les fleurs dans un bouquet.

- La question, c’est comment vous allez choisir ceux qui auront la chance d’y habiter…

Sejanus était déjà en train de réfléchir à toutes les conséquences que cela aurait dans l’enceinte de l’association, les possibles envies ou jalousies, le personnel à délocaliser… C’était une belle occasion, mais qui comportait également des difficultés auxquelles ils n’avaient pas encore été confrontés, à sa connaissance. Le fait que la maison soit dans le quartier de Bayside Boulevard rendait, à son sens, les choses un peu différentes, puisqu’il s’agissait d’un quartier privilégié.

Un don généreux

Sejanus ne faisait de manière générale pas vraiment confiance aux gens de Bayside Boulevard. La plupart d’entre eux étaient toujours intéressés, et cette manière de fonctionner avait le don de l’horripiler. La majorité d’entre eux étaient la cause de la pauvreté d’autres, ils étaient très égoïstes à son sens. Ceux qui aidaient leur prochain le faisaient pour deux raisons: se donner bonne conscience, ou avoir l’air sympa. Sejanus avait tendance à s’agacer de ce genre de comportement. Pourtant, c’était aussi ce que beaucoup de gens pensaient de lui, que ce n’était que pour se donner bonne conscience qu’il était bénévole chez Home for Everyone.

Le raisonnement de Barbie tenait la route, en soi. Les motivations des gens étaient-elles importantes, tant qu’il faisait le bien ? Pour Sejanus, oui, un peu plus, parce qu’il ne supportait pas l’hypocrisie maladive de ce quartier de riches. Mais d’un point de vue purement pratique, c’était certain que cela ne changeait rien, en effet.

Le jeune homme sortit son téléphone pour faire quelques photos des lieux, et des choses qu’il y aurait à réparer. Il écouta néanmoins avec attention les explications de Barbie au sujet des décisions au sujet de cette maison.

Il était plutôt d’accord avec le raisonnement de Barbie, d’autant que ce serait plus bénéfique à ceux qui cherchaient un travail de pouvoir être logé dans un véritable endroit, une maison, avec un accès constant à l’hygiène et aux soins. Honnêtement, il ne voyait pas pourquoi il faudrait prioriser ceux qui avaient déjà cela.

- Ceux qui travaillent auront rapidement de quoi louer leur propre logement. Ceux qui sont en recherche ne savent pas quand ils en auront la possibilité, et ils auraient plus de chance de trouver quelque chose en ayant un véritable toit au-dessus de leur tête.

Il n’appartenait pas à Sejanus de prendre des décisions. On ne lui demandait généralement pas non plus de donner son avis, mais pouvait-il s’en empêcher, d’autant lorsqu’il était sur une mission en binôme, et que cela concernait son quartier ? Pas vraiment. Sejanus préférait se rendre utile, quitte à faire une erreur, plutôt que de ne rien dire et ne participer à rien.

Néanmoins, bien qu’il soit sur le fond d’accord avec les propos de la responsable, il ne pouvait pas vraiment imaginer comment ce serait réalisable. Cela demandait des moyens considérables, que l’association n’avait pas forcément.

- Logistiquement parlant, j’ai du mal à imaginer comment on pourrait faire cela. Il faudrait installer tous ces services ici ?

Ce ne serait pas vraiment simple. Mais peut-être que Barbie avait une idée de comment faire ? Pour sa part, il n’était pas franchement surpris que la cuisine ait disparu. C’était même évident. On leur donnerait volontiers des murs vides, avec des déchets, mais pas quelque chose de vraiment fonctionnel.

- Ben voyons.

Marmonna-t-il pour lui-même. Franchement, il avait du mal avec ce genre de dons faussement sympas. Mais il ne lui appartenait pas de juger de la bienséance ou non des dons…  

- En dehors des murs et du sol, je ne suis pas sûr qu’on pourra trouver grand-chose d’utilisable.

Un don généreux

Le jeune homme avait du mal avec son propre quartier. Il vivait à Bayside Boulevard, mais passait une partie de son temps à Summerdale. C’était là-bas qu’il se sentait bien. Honnêtement, son père avait toujours mis un point d’honneur à lui rappeler que sa place n’était pas là. C’était pour cela qu’il avait toujours l’air richement vêtu, s’il se faisait prendre à sortir avec des vêtements plus lambda, cela allait attirer l’attention de son paternel, qui n’appréciait déjà pas forcément ses allers et venues. A son sens, la quantité de Sejanus ne devait pas être un frein, si c’était ce qui pourrait être utile. Mais il n’était pas un décideur. Alors, il ne dit rien. Il essaya seulement d’imaginer comment ils pourraient mettre ça en place. Il faudrait un second bâtiment pas loin pour pouvoir y installer les ateliers.

- En effet, pour bien faire, il faudrait un autre endroit pour les ateliers, accessible à pied. Mais ça me parait peu probable que ça nous tombe sur les bras. Ca peut faire du chemin, mais ça sera toujours plus pratique de venir les chercher ici pour les emmener aux ateliers de Summerdale, bien sûr.

Mais cela nécessitait un chauffeur disponible régulièrement pour ça. Il n’était pas certain que cela serait le plus simple. En fait, il ne s’y connaissait pas forcément en organisation. Le brun leva la tête lorsqu’il entendit Barbie l’appeler, et il sourit, un peu timidement. Sans savoir trop quoi faire, il leva le pouce pour se donner un peu de contenance. Il pencha la tête vers l’écran.

- Merci, c’est vrai qu’elle n’est pas mal.

Sejanus n’avait jamais été spécialement photos. Mais il devait bien admettre que celle de Barbie n’était pas si mal. Le jeune homme ne s’attendait pas forcément à la question qu’elle lui posa. Sejanus ne s’était jamais senti bien mal, en fait. Il avait l’habitude de la solitude, et puis, il avait réussi à bien s’entendre avec Yuno.

- Bien, je crois. Je suis content de pouvoir travailler pour une cause qui me tient à coeur. Ca me suffit largement.

Il avait toujours été davantage intéressé par les causes que par les gens. Il se fichait pas mal d’être seul, s’il faisait ce qui lui paraissait juste. Et puis, en ne se faisait pas trop d’amis, il espérait aussi éviter de se donner l’air de vouloir être absolument remarqué. Bien que trop de solitude fasse également cette impression. En fait, quoi qu’il fasse, il risquait de passer pour un prétentieux juste parce qu’il venait de Bayside Boulevard, non ? Sejanus s’accroupit pour prendre des photos des tuyaux. Son pantalon se salit au fur et à mesure, mais ça lui est foncièrement égal. Au pire, il ira le mettre au pressing, ou alors ça lui fera un pantalon de moins. Ce n’était pas comme s’il manquait de moyens pour en racheter un.

- Il va y avoir du ménage à faire. On sait quand on pourra s’en occuper ?

Sejanus n’avait rien contre participer à la remise à neuf de l’endroit. Bien qu’il préfère éviter de traîner à Bayside Boulevard, en général.