Quelle catastrophe absolue cette Fête de la Paix avait été. Quand le village de Ciri avait reçu l'invitation, et que sa grand-mère, la Sage locale, avait proposé à ceux qui le désiraient de participer à une délégation pour visiter la Capitale, elle avait cru y trouver une bonne occasion de changer de décor. Voir un peu comment on vivait, sur les autres planètes ! Et bien - elle avait vu. Et ça ne lui avait pas plu.

Elle aurait du s'y attendre, honnêtement. Toute la Galaxie savait à quel point Elvion l'avait fait à l'envers à Sabeos, en relachant leurs monstres de métal sur leur planète en toute impunité ; tout le monde savait que la "Paix" célébrée chaque année à Silvergate ne pouvait fonctionner qu'au prix du pardon de ce crime. Et peut-être que les dawjus qui vivaient sur la planète-capitale, loin du danger, avaient pardonné. Peut-être même que les plus idéalistes de Sabeos avaient pardonné aussi. Mais pas Ciri. Oh, non. Tant qu'Asco Corp resterait à la tête de la civilisation humaine, toute "fête de la paix" lui resterait en travers de la gorge.

La bonne surprise, c'était qu'elle n'avait pas été la seule, à la fête, à être de mauvaise humeur. En fait, les plus enragés étaient principalement des humains. Ca l'avait surprise, oui - mais Ciri n'était pas raciste, c'était Asco qu'elle détestait, pas les humains eux-même... Donc, quand tous ces mécontants s'étaient ressemblés un peu à l'improviste sur le site de la fête, et quand l'idée de faire un peu de grabuge avait été lancé, bah... Elle n'avait pas hésité longtemps, et la "Fête de la Paix" avait tourné à la bagarre générale.

Maintenant, elle était de retour chez elle, toujours erreintée, et pas spécialement fière. Oui ; elle avait foutu en l'air le stand d'Asco. Et ça avait été plutôt marrant de voir tous leurs petits employés paniquer dans la foule. Mais au final, à quoi ça avait servi ? Elle avait du fuir la planète en triple vitesse une semaine avant son départ prévu en abandonnant la moitié de ses affaires. D'après les rumeurs, au moins deux dawjus auraient disparu pendant la bagarre. Les médias de Silvergate critiquaient les "casseurs" et déploraient leurs actons sans chercher à en comprendre les causes. Et Asco restait tout puissant.

Mais, au moins, elle était de retour à la maison. Simplement voir la douce et si familière cabane dans les arbres, que son père et elle avaient construite ensemble et où elle vivait seule désormais, lui calmait les nerfs.

Dans la précipitation de son départ, Ciri n'avait pas eu le temps de prendre tous ses bagages avec elle au moment de quitter le spatioport. Elle avait du faire un choix. Sa valise de vêtements ? Ou la caisse qui contenait sur plus beau trophée, la tête d'un "dragon de métal" qu'elle avait abattu lors d'une de ses chasses ? Le choix n'avait pas été très difficile. Les vêtements, ça se remplace. Le trophée, lui, était unique. Ciri l'avait pris avec elle en se disant qu'elle pourrait l'exposer, le montrer aux humains, peut-être même leur faire comprendre la réalité de la situation sur sa planète... Mais puisque les choses n'avaient pas pu se passer comme ça, il était hors de question qu'elle le perde.

Elle tirait donc cette lourde caisse vers la cabane, sans demander d'aide aux autres dawjus, bien décidée à rentrer chez elle tout de suite et à mettre fin une bonne fois pour toute à ce voyage désastreux. Pour grimper, normalement, il y avait une échelle de cordes - même si, la plupart du temps, elle ne l'utilisait même pas, préférant grimper dans l'arbres grace à ses réflexes félins. Mais avec un chargement aussi encombrant, elle opta pour utiliser le système de poulie monte-charges qu'elle avait installé exactement pour ce genre d'occasion. Un dernier effort, et... enfin, elle était de retour dans son salon qui sentait bon le bois et l'huile pour les lames.

Elle soupira de contentement. Heure locale, c'était le petit matin, et une belle lumière claire - si différente de celle du ciel de Silvergate - filtrait par les fenêtres. Pourtant, elle n'avait qu'une envie : se mettre au lit. Mais avant ça... Son trophée aussi méritait de voir la lumière du jour.

Avec un baillement, elle agrippa le haute de la caisse et tira bien fort pour l'ouvrir. "Attends une minute, Falka. Je t'ouvre." Oui, elle avait donné un nom à sa tête de dragon. Oui, elle lui parlait. Et alors ? A force de chasser en solo, loin de la civilisation, parler toute seule était devenu une habitude.

-"Et voilà, bienvenue à la maisoo - QU'EST CE QUE C'EST QUE CE BORDEL ?" Ce bordel, c'était un parfait inconnu qui la regardait là où Miss Falka aurait du être. "Qui es-tu et qu'est-ce que tu fous dans ma caisse ?"