Vendredi 8 septembre 2023 Le père d’Adrien lui avait formellement interdit d’aller à l’école. Pendant des années, Adrien a tout essayé. La négociation, le chantage, les suppliques avec des yeux de chaton battu… Et finalement, il a décidé de prendre les choses en main par lui-même. Il a créé une adresse mail fictive avec le nom de son père, il a téléchargé les documents et a fait ses propres papiers d’inscription pour entrer en première. Et le lundi 4 septembre 2023, il a fait le mur pour se pointer à l’école, comme une fleur. Quand son père s’est rendu compte de sa disparition - uniquement parce que son assistante lui a dit - il l’a cherché partout, pour ne le retrouver que quand Adrien est rentré comme une fleur, ce soir-là. Et bien sûr, il a pété un plomb, et son fils a eu droit à un long sermon sur toutes les raisons pour lesquelles sa décision était stupide et irresponsable et toutes les craines qu’avaient eu son père.

You will never, I say, never go back there again... avait-il assené, et Adrien avait baissé la tête avec un sourire déçu. Ca lui avait plu, le lycée… Et il avait vraiment envie d’y retourner. without your bodyguard. He will drop you off and pick you off every day. Nathalie has offered to organize you a new schedule. You'll be continuing your music, Chinese, gymnastics and fencing classes, and your photo shoots.

Adrien avait été absolument ravi par cette victoire. Et depuis… Il tous les jours, il se faisait déposer en limousine par son garde du corps, et tous les soirs, celui-ci venait le chercher pour le conduire à ses activités extra-scolaires. Entre temps, il pouvait apprendre en classe comme les autres, et il s’était même fait des amis !

Jusqu’à présent, Adrien n’avait pas vu d’autre limousine que la sienne. C’est donc tout naturellement qu’en ce premier vendredi de l’année scolaire, il s’avança vers la limousine aux vitres teintées garée sur le trottoir. Ne voyant pas le garde du corps debout près de la porte, il suppose que celui-ci doit être au téléphone avec son père, et actionne lui-même la poignée. Et là… tout s’enchaîne très vite.

D’abord, sa main frôle celle d’une jeune fille qui a eu le même geste que lui. Il tourne la tête et croise le regard d’une rouquine aux grands yeux bleus. Euh, qu’est-ce qui se passe, là ? Adrien jette un coup d’oeil perplexe à l’homme assis au volant… Et réalise qu’il ne s’agit pas de son garde du corps, mais d’un homme dans l’hôtel duquel son père a parfois organisé certains de ses évènements : @”Lucifer Morningstar”.

Alors, Adrien lâche précipitamment la portière, et adresse à la jeune fille un sourire gêné.

- Je suis vraiment désolé… Je croyais que c’était mon chauffeur, c’est le même type de limousine. s’excuse-t-il, embarrassé.

Adrien était déterminé à enfin aller à l’école, en présentiel avec ses camarades. Il a tout fait lui-même. D’abord, il a créé une adresse mail fictive. Etonnant que personne ne se soit dit méfié de  gabriel.agreste@gmail.com d’ailleurs – comme si le célèbre couturier allait utiliser la messagerie Google, tiens ! Mais c’était passé, et il avait téléchargé les documents, complété le dossier, falsifié la signature de son père. Et finalement, fait le mur lundi pour faire sa rentrée. Son père avait mis un moment à réaliser sa disparition – à vrai dire, c’était bien parce que Nathalie le lui avait dit. Et personne n’avait été capable de devenir où il était passé, jusqu’à ce qu’il rentre comme une fleur et prenne l’engueulade de sa vie. Et puis, à sa grande surprise, dans un retournement digne de la scène de l’empereur dans Mulan, son père avait dit qu’il n’y retournerait jamais… sans son garde du corps. Celui-ci viendrait le chercher tous les jours, et ils réorganiseraient son planning. Une semaine plus tard, il avait déjà commencé à se faire des amis. On aurait même pu dire qu’Adrien était déjà populaire.

En cinq jours, il n’avait vu aucune autre limousine, et s’avança sans réfléchir vers le véhicule aux vitres teintées. En approchant de la poignée, sa main frôla celle d’une jeune fille, une jolie rousse aux grands yeux bleus. Quoi ? Et soudain, il réalisa que l’homme au volant n’était pas son garde du corps, mais un le propriétaire d’un hôtel où son père organisait régulièrement des évènements. L’adolescent lâcha la portière, et se fondit en excuses. Au fond, ce n’était pas sa faute : comment aurait-il pu deviner que la Bentley bien-aimée d’Anthony Jonathan Crowley était au garage, le forçant à réquisitionner un véhicule de la flotte du New Eden, fait dont il avait veillé à avertir sa fille ?

La jeune fille, heureusement, se montra compréhensive. Pas grave, Adrien, répondit-elle en souriant. Il n’y avait pas énormément de modèles de limousines, après tout. Elle était Amicia de Rune, ils avaient plusieurs classes ensemble. Tu es à côté de moi en arts plastiques, non ? Je veux dire, juste de l’autre côté de l’allée ? répondit-il. Il n’avait pas encore retenu son prénom – parce que contrairement à lui, elle n’avait pas dû se présenter devant tout le monde sous prétexte qu’elle n’était pas là l’an dernier – mais il l’avait repérée, elle faisait partie des élèves qui avaient l’air sympa.

Ils pouvaient le déposer chez lui, s’il voulaient ? Mais elle comprendrait si son père pèterait un cable s’il n’était pas dans la bonne limousine. You will never, I say, never go back there again… without your bodyguard. Tu n’imagines même pas à quel point, lâcha-t-il sur ce qui se voulait le ton de la plaisanterie. Il aperçut une autre limousine, dont sortait déjà Placide le gorille, qui les dévisageait avec l’air de se demander s’il devait ou non intervenir. De toute manière, mon ga– euh, mon chauffeur, Placide, vient d’arriver ! Il s’était rattrappé, de peur que la rumeur tourne à l’école qu’il avait un garde du cœur. Même si Amicia ne commérait pas, il y avait des gens tout autour d’eux.

Du coup, ils se voyaient lundi ? C’est ça Amicia, à lundi en arts plastiques ! répondit Adrien avec ce sourire chaleureux qui le caractérisait. Passe un bon week-end !

Il monta dans la limousine dont Placide avait élu de continuer à tenir la porte sans faire de scène, heureusement. Après un cours d’escrime, une douche et un photoshoot au parc, près de la fontaine, Adrien rentra finalement à la maison. Il dîna seul à la longue table de la salle à manger et fit ses devoirs. Il faisait encore jour lorsque finalement, Adrien s’équipa du costume qu’il s’était constitué au cours de l’été, pour sa première « sortie » depuis la rentrée. Des vêtements d’escrime noirs – et non blancs comme ceux qu’il arborait d’ordinaire – une veste noire dont la capuche arborait des oreilles de chat aux accents vert vif, et un masque noir masquant le haut de son visage. Il avait acheté les différents éléments en espèces afin de demeurer intraçable. Alors, il fit diffuser par son ordinateur un enregistrement de lui en train de répéter son piano pendant trois heures, et il disparut par la fenêtre. Ainsi, personne ne viendrait à sa recherche avant l’heure du petit-déjeuner.

Quand il avait enfilé le costume pour la première fois, Adrien s’était attendu à tabasser des voleurs à la tire, arrêter des kidnappeurs et protéger les innocents – un peu comme Peter Parker, quoi. Au lieu de cela, il descendait des chats des arbres, aidait des personnes âgées à traverser et tenait compagnie aux enfants hospitalisés, et la routine dans laquelle il était tombé lui convenait très bien également. Tant qu’il pouvait se rendre utile !

Aujourd’hui, à sa grande surprise, alors qu’il prenait le bras d’une petite vieille dame au bord du passage piéton, un autre individu masqué fit de même de l’autre côté. C’était une fille, de ça, il en était à peu près sûr, mais il aurait été bien incapable de reconnaître Amicia. Que voulez-vous, il semble que l’héritier de la fortune Agreste souffrait d’une forme de prosopagnosie liée spécifiquement aux porteurs de masques.

- Hello, Purr-incess ! la salua Cat Noir avec une audace qui n’avait rien du tempérament d’Adrien. Si j’avais su que j’aurais de la compagnie, j’aurais mis mon cat-stume du dimanche !
Ce badinage galant ne l’empêchait pas de rester attentif à sa mission, aux petits soins pour la vieille dame qui marchait si lentement qu’une tortue l’aurait battue à la course.
- Cat Noir, at your service, Milady !