Gaia n’a jamais mis les pieds en dehors du Sanctuaire auparavant. Et pourtant, elle n’a pas le moindre doute. Elle est la Gardienne de la Source, après tout - une mission sacrée à laquelle elle s’est préparée toute sa vie. Tant que son coeur sera aussi pur que l’eau de la cascade est limpide, ses pas ne la tromperont jamais, voilà ce que les Soeurs de la Source lui ont enseigné.
Et c’est pourquoi, alors qu’elle repose allongée sous les étoiles dans une clairière, Gaia ne ressent pas le moindre doute, pas la moindre crainte. La Rivière Céleste est la carte qui la conduira jusqu’à Roselake, où elle pourra accomplir son devoir, rejoignant la cérémonie du Solstice aux côtés du Cardinal. Ce n’est pas l’angoisse qui agite son esprit… Mais plutôt la trépidation.
- Gloire à la Source, Honneur à Sainte Marilla, et Bénis soient les Cheminants. murmure-t-elle en traçant sur son coeur la courbe de la cascade. Cette prière quotidienne des Soeurs de la Source est si familière qu’à cet instant, elle a sur elle l’effet d’une berceuse. Gaia ferme les yeux, et s’endort dans un doux soupir.
Une sensation sur son front, étrange, humide, lui fait plisser les yeux dans un grognement endormi.
Hein, quoi ? Gaia ouvre les yeux, et réalise qu’un petit agneau blanc cotonneux comme un nuage est en train de lui lécher le front.
- Hey ! le salue-t-elle en riant doucement.
Bonjour, toi.Gaia lui carresse doucement la tête, puis sort de son sac une poire qu’elle a prévue pour son petit déjeuner. Elle en offre une tranche à l’agneau, qui la mange avec gourmandise, et consomme le reste elle-même.
- Tu es tout seul ? demande-t-elle en se levant.
Où est ta maman ? Et ton berger ?L’agneau perdu se contente de la regarder en bêlant doucement. Alors, Gaia met son sac sur son dos, le prend précautionneusement dans ses bras et se met en marche. Si la Rivière Céleste a mené cette âme égarée jusqu’à elle, alors elle peut bien la ramener chez elle avant de continuer sa route. La Vie est un fleuve, après tout, qui coule toujours dans la bonne direction, et rien n’arrive jamais sans raison.
Ce n’est qu’au bout d’une dizaine de minutes de marche vers le nord que Gaia entend enfin d’autres bêlements, auxquels l’agneau répond avec agitation. En suivant les bruits, elle ne tarde pas à apercevoir un troupeau et sa bergère.
- Bonjour ! J’ai trouvé cet agneau, il est à vous ? demande-t-elle avec gentillesse.
Elle le pose au sol, et il trottine vers une brebis qu’elle devine être sa mère.