Le travail c’est la santé

ft. @Marilyn Fenhill

Sejanus aimait bien la pratique. Depuis qu’il était arrivé à Silvergate, il avait pu évoluer dans un chemin qui lui plaisait réellement. Il étudiait la médecine, aidait les gens qui en avaient besoin, et avançait dans un système plus juste et plus humain. Il se plaisait à Silvergate. Beaucoup de gens cherchaient à rentrer chez eux, ou peinaient à se faire une nouvelle vie. Ce n’était pas le moins du monde son cas. Il embrassait cette nouvelle vie avec bonheur. Le jeune homme était bien parmi les seuls à ne pas disposer de pouvoirs, mais ce n’était pas grave, il ne se sentait pas lésé. Il s’estimait tellement chanceux d’avoir eu droit à cette nouvelle vie, à cette seconde chance, qu’il se fichait pas mal des pouvoirs qu’il n’avait pas. En tout cas, les études de médecine lui plaisaient énormément. Enfin, Sejanus pouvait réellement faire quelque chose de bien, sans avoir des bâtons dans les roues mis en place par un foutu gouvernement.

Il avait déjà fait quelques jours à l’hôpital, et il était extrêmement attentif à tout ce qu’il pouvait apprendre. Sejanus était quelqu’un de très volontaire, sans doute espérait-il expier tout ce qu’il avait pu faire ou laisser faire dans sa première vie, celle qu’il n’aimait pas. Même sous sa blouse d’hôpital, il portait un col roulé qui cachait la marque de sa pendaison. La marque de la trahison.

La pause midi avait sonné pour lui, et pour sa maître de stage. Il avait fait quelques manipulations au cours de la journée, rien de foncièrement dangereux pour les patients. Sejanus se sentait assez à l’aise, dans cet environnement. Quelques instants plus tard, le voilà à la cafétéria, en compagnie de Marilyn. Il n’avait pas encore vraiment eu le temps de discuter avec elle plus que cela. Quelques minutes entre deux patients ou sur une pause midi, mais c’était la première fois qu’ils la commençaient ensemble.

- Ca fait longtemps que vous travaillez à Blackridge ?

Il supposait qu’elle faisait partie des gens qui étaient arrivés par les portails, mais il n’avait jamais vraiment su. Le jeune homme connaissait encore assez peu les gens qui travaillaient au cours de lui.

Le travail c’est la santé

Le jeune homme avait passé beaucoup de temps à étudier la médecine depuis son arrivée, bien qu’il lui ait fallu quelques semaines d’adaptations. Mais les stages, c’était définitivement quelque chose qu’il appréciait. Blackridge était un quartier que beaucoup évitaient, mais c’était aussi celui où il y avait le plus besoin de main d’oeuvre, au vu des nombreuses agressions et problèmes qu’il y avait par ici. Sejanus était malgré tout content de pouvoir discuter un peu avec Marylin, qu’il ne connaissait que du travail, pour l’instant. Ils n’avaient pas vraiment eu le temps de discuter auparavant, et ce temps de midi était vraisemblablement ce qui lui permettrait de rattraper cela. Il se douta alors qu’elle faisait bien partie des autres mondes, elle aussi, puisqu’elle avait commencé à travailler ici la même année que l’apparition des portails.

- Vous venez d’un autre monde, vous aussi, alors ?

Il y avait de plus en plus de gens qui venaient d’ailleurs. Au fond, Sejanus se demandait parfois s’ils n’allaient pas finir par prendre le dessus sur les natifs, tant ils étaient nombreux;. Si elle venait bien d’ailleurs, elle était donc en train de lui expliquer qu’elle avait été médecin dans son autre vie. Quelle chance ! Il aurait voulu pouvoir en dire autant, mais malheureusement, le sort n’avait pas été en sa faveur. Quant à ce qu’il pensait du stage, et bien… c’était fort simple.

- En fait, je trouve ça vraiment super. La pratique, c’est la meilleure école. Et il y a toujours de quoi s’occuper. Moi, ça me suffit amplement !

Tout ce qu’il voulait,c’était aider les gens, au fond. Sejanus avait un caractère un peu chaotique, il se faisait entendre lorsqu’il n’était pas d’accord avec quelque chose. Mais à Silvergate, il n’en avait nul besoin. On pouvait alors croire qu’il était aussi doux qu’un agneau. Ce serait mal le connaître, au vu de l’explosivité dont il avait pu faire preuve au cours des Hunger Games. Mais il avait des raisons.

- Il me tarde de terminer mes études et d’être vraiment utile.

Il savait bien étudier, ça oui. Il était travailleur et déterminé. Mais les études de médecine, c’était sacrément long, trop à son goût. Il avait hâte d’enfin servir à quelque chose. Réellement. Soigner des inconnnus au détour des ruelles de Blackridge, c’était bien beau, mais ça restait très bancal, comme occupation.

Le travail c’est la santé

Sejanus avait toujours eu des facilités avec ses études, c’était déjà le cas lorsqu’il vivait au Capitole. Pour autant, il n’avait jamais cessé de travailler, et d’envisager de changer le système. Il n’avait bien évidemment pas réussi. Selon lui, la pratique était tout de même plus agréable, permettait de commencer à être véritablement utile. Sa vie à Silvergate lui permettait d’ouvrir une nouvelle porte, la porte de la médecine. S’il y avait bien une chose que son parcours au district Douze lui avait appris, c’était qu’il préférerait de loin soigner les blessures qu’en infliger. Et il n’était pas vraiment étonné que sa maître de stage se trouve venir elle aussi d’un autre monde.

Voudrait-il plus de temps libre ? En réalité, Sejanus était quelqu’un d’assez solitaire. Il avait toujours eu du mal à se faire des amis, et par conséquent, il préférait faire ce qu’il pouvait pour aider. Sans doute tentait-il également d’expier tout ce qu’il avait laissé faire à Panem, tout ce qu’il n’avait pas pu empêcher. Sejanus avait vécu dans un monde si inégalitaire qu’il avait aujourd’hui du mal à ne pas penser à son prochain. Il avait besoin de se sentir enfin utile, et il ne savait pas ce qu’il en serait dans quelques années. Mais il ne pensait pas qu’il se plaindrait, au vu du monde où il venait. Il ne put que sourire, parce qu’au fond, il n’était pas devin. Contrairement à un tas de gens ici, Sejanus n’était d’ailleurs doté d’aucun pouvoir magique.

- Je n’en sais rien. Peut-être, mais j’espère que ce ne sera pas le cas.

Oui, dans tous les mondes, il y avait besoin de médecins. Pour autant, il n’avait jamais apprécié l’armée, et se retrouver à soigner des soldats ne le tentait pas. Il n’était pas question qu’il retourne un jour dans ce genre de milieux. Au Douze, c’était ce qui était le mieux à faire, dans sa situation, et encore, il avait très vite fait un trait dessus. Ici, il pouvait soigner des gens qui n’avaient rien demandé, des innocents qui valaient réellement la peine d’être sauvés. Et lui, que faisait-il à Blackridge ? Comme d’habitude, il avait essayé de se rendre utile. Rattraper sa vie passée avec la nouvelle.

- J’ai vite compris que c’était ici que je serais le plus utile. Il y a un tas de trucs à faire, dans ce quartier, et pas mal de gens qui peuvent avoir besoin d’un coup de main.

Sejanus pratiquait la médecine depuis son arrivée ici, mais au hasard des rues. C’était assez injuste dans le sens où seuls ceux qui avaient la chance de croiser sa route avaient l’occasion de bénéficier de ses soins, mais il savait qu’il n’était pas le seul à se rendre utile en toute indépendance. Certains plus efficaces, avec des pouvoirs de guérison. Mais il faisait de son mieux.

- Et vous ? Vous avez aussi choisi Blackridge, non ?

Si c’était étonnant de son côté, il pouvait bien se demander ce qui avait poussé Marylin à faire le même choix. Après tout, Blackridge n’était pas un quartier de rêve, au contraire.

Le travail c’est la santé

Le jeune homme pouvait s’accorder avec les propos de Marylin. En effet, Blackridge ne manquait pas d’activités, et il devait reconnaître que parfois, il était même un peu dépassé. En effet, là d’où il venait, en dehors des Hunger Games, il n’y avait pas vraiment grand chose à faire, le pays se reconstruisait petit à petit suite à la rébellion. Une rébellion qui avait fait beaucoup de dégâts au Capitole, et que certains continuaient de payer, et continueraient encore pendant de longues années. Mais il trouvait ça toujours sympa de savoir que Silvergate puisse rappeler la vie d’avant de certaines personnes. Lui essayait justement d’y penser le moins possible, même si sa cicatrice autour du cou serait un éternel rappel de la fin qu’il avait connue. Quoi qu’il en soi, il s’en foutait pas mal de se faire avoir à la fin. Il avait déjà donné sa vie pour ça, et il le referait s’il pensait que c’était nécessaire. Silvergate lui inspirait moins de risques que Panem.

- Oui, sans doute. Mais ce n’est pas un mal de leur laisser prendre l’avantage. Tout le monde devrait avoir les mêmes chances. Je suis pas vraiment inquiet pour ça.

Sejanus préférait largement se dire qu’il avait fait tout son possible. Il ne pourrait pas se regarder en face, s’il vivait sans aider son prochain, s’il laissait des injustices avoir lieu. Le jeune homme avait connu un monde qu’il avait tant détesté que Silvergate lui paraissait être un paradis. Un endroit où il ne pourrait de toute façon jamais risquer autant qu’à Panem.

- C’est vrai que Blackridge est plutôt animé. Ca fait un bail que je n’ai pas été à Lost Sea. Avec les nouveaux portails, ça ne doit pas manquer d’animations non plus, là-bas.

Il y avait après tout un tas de gens qui étaient arrivés moins d’un an plus tôt. Et ça devait être un sacré changement. Est-ce qu’ils allaient finir par être en surnombre ? Le jeune homme ne savait pas vraiment ce qui arriverait si c’était le cas. En tout cas, les natifs de Silvergate étaient de moins en moins nombreux.

- On est de plus en plus nombreux. Je me demande si un portail va s’ouvrir régulièrement…

En même temps, il serait ingrat de dire que c’était un problème. Ca lui avait offert une seconde chance, et c’était sans doute le cas de bien d’autres gens. Mais il s’inquiétait aussi des dégâts que la surpopulation pourrait engendrer.

Le travail c’est la santé

Il pouvait comprendre que c’était agréable de vivre dans un quartier et travailler dans un autre. Lui avait choisi de dédier sa vie à aider les autres, mais il n’utilisait pas toujours les bonnes méthodes. Il était plutôt bien intentionné, mais il pouvait faire de sacrés dégâts autour de lui, quand il s’y mettait. Sejanus était quelqu’un de trop impulsif pour être considéré comme un bon samaritain. Blackridge lui permettait de se sentir réellement utile en tout temps, et puis, il n’avait pas envie de vivre à Lost Sea, parce qu’il avait une peur terrible d’un jour y voir Coryo ou Marcus. Il n’était pas prêt à les affronter.

Le jeune homme sourit, un vaisseau spatial, ça devait être un sacré habitat ! Son monde n’était pas vraiment penché sur la conquête spatial, ayant déjà bien du mal à se reconstruire après la Guerre. Mais il pouvait imaginer le chaos absurde qui régnait dans le quartier de Lost Sea, avec ce genre d’informations.

- C’est vrai que ce sont deux quartiers très différents. Je n’ai jamais vu de vaisseaux spatiaux, ça doit être amusant d’en voir un au milieu de la rue.

Sejanus fut parcourut d’une décharge électrique désagréable lorsque Marylin évoqua des éventuels souvenirs de son ancien monde. Instinctivement, il passa son index dans son col roulé, qui cachait tout juste la cicatrice de sa pendaison, le seul souvenir concret qu’il avait de Panem. Super, le souvenir, n’est-ce pas ?

- Je préfère éviter de penser à mon ancien monde, en fait. Plus j’en suis loin, mieux je me porte.

Il fit un pas en avant, et demanda un plat du jour, histoire de retrouver une contenance. Il n’avait évoqué Panem qu’avec Lucy Gray, parce qu’ils avaient vécu dans le même monde. Cinq ans avaient passé, et c’était moins douloureux d’y songer, bien sûr, mais il serait éternellement révolté par la politique de son pays d’origine. Il n’accepterait jamais tout ce qui se passait là-bas, tout ce qu’il avait laissé faire, et tout ce qu’il n’avait pas pu empêcher. Et un jour peut-être apprendrait-ils que les Hunger Games étaient arrivés jusqu’à leur 75ème édition avant d’être enfin arrêtés.

- Désolé, c’est moins entraînant que l’espace... C’est comment, là-bas ?

C’est qu’il ne voulait pas plomber l’ambiance avec son monde pourri jusqu’à la moëlle non plus. Sejanus était mille fois plus heureux ici que chez lui, et cette seconde chance, il la saisissait avec beaucoup de bonheur. La seule personne qui lui manquait, c’était sa mère.

Le travail c’est la santé

La seule période que Sejanus avait aimé dans son monde, c’était avant ses huit ans. Quand il vivait encore dans le Deux. Même la guerre, il avait fini par y trouver du positif. Avec le recul. C’était au moins un moment où il était encore chez lui. Loin du Capitole. Et puis, ils avaient déménagé, forts de leur richesse après avoir vendu des armes aux ennemis de la rébellion. Sejanus n’avait jamais réussi à se sentir chez lui là-bas, mais surtout… les Hunger Games avaient commencé. Et il n’avait jamais réussi à les accepter. Sejanus n’était simplement pas capable d’apprécier son monde. en tout cas, plus après la Guerre. Il ne souhaitait pour autant pas que sa maître de stage se sente trop mal par rapport à sa réaction. Sejanus éprouvait un rejet profond pour son monde. D’autres avaient apprécié tout ça, et avaient réussi à se fondre dans la masse.

- Il n’y a pas de mal. Ne t’en fais pas, ça fait longtemps que c’est derrière moi.

Oui, enfin. Il avait toujours bien la marque de la corde sur son cou qui lui rappelait tout ce qui avait pu se passer. En fait, il trouvait rassurant les propos qui parlaient de la destruction de leurs mondes respectifs. Si Panem avait été détruit, c’était presque une bonne chose. Bon, il y avait un tas de gens qui n’avaient rien demandé, mais au moins, ça mettait fin à la tyrannie. Il ne savait pas vraiment si c’était mieux d’avoir la destruction pure et simple de Panem, mais ça le soulageait de savoir que toutes ces horreurs pouvaient être arrivées à leur fin.

Il avait du mal à se dire que le problème majeur ailleurs pouvait être l’ennui. Ca lui paraissait être un monde de rêve. Mais les pirates, un peu moins. Il récupéra son plat et sa boisson, paya sa part et suivit Marylin jusqu’à la table.

- Qu’est-ce que le spirates pouvaient bien voler, dans des vaisseaux spatiaux ? Ce n’est pas comme s’il y avait des coffres remplis d’or, si ?

Bon, il fallait dire aussi que Panem ne lui avait jamais donné beaucoup de place à l’imagination. Ils avaient déjà eu bien du mal à survivre dans leur propre monde, alors penser à d’autres possibilités, d’autres univers était vraiment très secondaire.

- Ou alors, ils cherchaient peut-être autre chose ?