Hay Lin s'inquiétait pour son amie Cornélia.

Elle s'estimait chanceuse, dans l'ensemble, de vivre dans la communauté du train. Pas uniquement parce que l'endroit été sécurisé tout en restant libre, pas uniquement parce qu'elle et ses parents y étaient appréciés et respectés, mais surtout parce qu'elle y avait des amies de son âge. Il était difficile d'encore se sentir "jeune", à l'âge des zombies, mais clairement, pouvoir passer du temps avec Cornélia et Elyon l'avait aidée à rester elle-même malgré le temps difficile.

Mais depuis sa blessure, Cornélia changeait. Même si elle essayait de ne pas le montrer, Hay Lin le sentait - une dépression qui ne la quittait plus, cachée derrière des sourires creux qui disparaissaient dès qu'elle croyait qu'on ne la regardait pas. L'attaque de Sanders avait été un coup dur pour tout le monde, bien sûr... Mais c'était différent pour Cornélia.

C'était compliqué. Hay Lin voulait lui venir en aide, mais elle ne voulait pas la confronter directement - ce n'était pas son genre. Elle essayait souvent de lui changer les idées, de lui tenir compagnie, mais ça ne semblait jamais suffisant. Jusqu'à ce que lui vienne... Lidée du siècle.

L'illumination lui était venue quand elle avait entendu deux habitants du musée discuter d'un lac, au nord de Silvergate, qui était perpétuellement gelé... Un mystère inexplicable, déjà assez intéressant en soi, mais surtout... une idée parfaite pour faire une sortie mémorable avec son ancienne patineuse de copine !

Hay Lin avait passé deux semaines à préparer la sortie parfaite, en secret. Elle n'en avait parlé à personne : elle savait très bien que les gens en charge du musée n'auraient pas approuvé une aventure aussi futile...

Finalement, elle avait laissé une mystérieuse note d'invitation à sa copine. Elle avait passé tout la nuit à se retourner dans son lit, à la fois inquiète et impatiente. Tôt le matin, elle s'était glissée jusqu'à leur point de rendez-vous, un peu inquiète que son amie lui pose u lapin - mais non, elles s'y retrouvèrent sans soucis. Et puis, enfin, elles sortirent toutes les deux... Discrètement. Hay Lin ne voulait pas attirer l'attention.

-"Shhhh... Tu vas voir - c'est une surprise."

Ce serait une bonne surprise, elle espérait. Un moyen de se reconnecter avec une époque perdue, des jours plus heureux, le temps d'une journée... Enfin - pour Cornélia en tout cas. Il fallait avouer qu'Hay Lin elle-même n'avait jamais été sportive, était au contraire assez maladroite, et risquerait sans doute de se casser la figure dès qu'elle mettrait ses patins. Mais, hey ! Elle était prête à avoir l'air ridicule, si ça pouvait aider son amie...

-"D'abord, on passe au magasin de sports. C'est sur le chemin." Histoire de récupérer des patins. Ce n'était pas comme si Hay Lin en avait sous la main, au musée.

Elle lui tendit l'un de ses propres gros pulls, du genre qu'elle ne sortait normalement qu'en hiver, qu'elle avait prévu pour leur voyage vers le nord de la ville. Elle avait entendu dire que les températures pouvaient vraiment chuter, là-bas... Ce qui l'arrangeait pour ce qui était du lac, mais qui voulait aussi dire qu'il fallait bien se préparer ! Ca aurait été bête de prendre froid. "Le met pas tout de suite, c'est pour plus tard." Elle lui fit un clin d'oeil, et se mit en route.

Hay Lin était, peut-être, un petit peu inconsciente. Si elle avait été plus raisonnable, l'idée de cette escapade ne lui aurait même pas traversé la tête. En même temps... Elle était une adulte, et pas totalement stupide. Elle avait appris comment gérer les zombies, depuis ces cinq ans d'apocalypse. En général, les éviter n'était pas trop compliqué : ils étaient lents, on les sentait de loin. A ses yeux, le vrai grand danger, c'étaient les autres humains... Mais aujourd'hui, elle était prête à prendre le risque.

Elle s'était préparée un minimum, quand même ; elle avait pris avec elle un gros couteau de boucher emprunté dans les cuisines... Mais pas d'armes à feu - il aurait été difficile d'ne obtenir une au musée sans attirer des questions gênantes.

-"Personne ne va mourir," affirma-t-elle. "Il n'y a jamais personne dans ce magasin. On en a déjà récupéré tout ce qui y était utile, plus personne n'a de raison d'y rentrer..."

Qu'est-ce qui pouvait intéresser des survivants dans un monde hanté par ses propres morts, dans un vieux magasin de sports ? Des vêtements confortables, de bonnes chaussures, des sacs de randonnée... Et des armes potentielles, des clubs de golf, des battes de baseball... Mais, clairement, pas des patins à glace. D'où l'espoir d'Hay Lin qu'elles pourraient en trouver.

Loin de l'état d'esprit morne et négatif de Cornélia, Hay Lin se sentait impatiente et excitée. C'était difficile de le cacher, sur la route. Elle marchait d'un pas énergique, enthousiaste, obligée de se rappeler régulièrement à elle-même qu'elle devait quand même rester attentive aux alentours. Après tout, l'époque où on pouvait se promener innocemment en rue sans le moindre soucis en tête était loin.

-"Tu ne vas pas le regretter, tu verras."

Elles arrivèrent assez vite au magasin qu'Hay Lin avait en tête : elle avait étudié le chemin avant de venir, tout marchait comme sur des roulettes. Elles se glissèrent à l'intérieur, passant à travers la vitrine brisée. Le silence était total : la voie était libre... Continuant de prendre le lead, elle chercha l'allée destinée aux sports d'hiver, et fut soulagée de trouver un coin avec encore une panoplie de vieilles paires de patins. Ah ! Sans ça, leur expédition se serait terminée bien vite.

-"Et, ta-dah ! Surprise !" Elle adressa un grand sourire à Cornélia. "C'est toi la pro, choisis des paires qui nous iront... Après ça, on va tout droit au lac !" Souriant toujours, elle guetta sa réaction... Croisant les doigts intérieurement pour que "ça marche".

Hay Lin montra triomphalement les patins à son amie en lâchant un grand "surpriiise !" comme si le monde était revenu à la normale et que c'était son anniversaire... et puis, elle attendit. Un peu anxieuse. Bien sûr, elle avait beaucoup d'espoirs avec cette fameuse "surprise" - rendre le sourire à Cornélia, lui donner un petit goût de sa vie d'avant - mais elle ne pouvait être certaine de rien. Et si ça tombait à l'eau, si elle trouvait ça ridicule ?

C'était un risque. Depuis sa blessure, Hay Lin avait parfois du mal à comprendre l'ancienne patineuse. Mais ça valait le coup d'essayer...

Et le verdict tomba - un le cœur d'Hay Lin fit un grand bon en voyant Cornélia réagir, d'abord stupéfaite, et puis... reconnaissante, heureuse, la prenant dans les bras.

-"Spatial !" souffla-t-elle, avec reconnaissance. Aucune réaction n'aurait pu lui faire plus plaisir. Tout ça avait un sens ! Et si le moindre adulte, au musée, essayait de leur faire des reproches quand elles rentreraient, elle ne l'écouterait même pas. Elle se fichait de ce qu'ils disaient : ceci en vallait le coup.

Et elle lui rendit son câlin, bien sûr. "Je t'adore aussi." C'était le cas, vraiment. Sans elle, sans Elyon, quel serait l'intérêt de continuer à survivre, au musée ? Elle avait vraiment énormément de chance, d'avoir d'aussi bonnes amies qui vivaient à ses côtés.

Elle laissa Cornélia s'affairer avec les patins, l'observant sans vraiment rien comprendre à ce qu'elle faisait. Il fallait mettre de la crême dessus ? Ah, bon, elle ne l'aurait pas deviné. Peu importait, cependant : ça lui faisait juste plaisir de voir son amie aussi excitée... Elle enfila la paire que Cornélia lui passait, pas super adroite - c'était la première fois de sa vie qu'elle en mettait. A priori, ça n'avait pas l'air trop mal... Elle tendit le pied pour laisser Cornélia regarder.

-"Mmh mmmh. Tu n'as pas entendu parler de ce coin au nord de la ville où la météo est détraquée ?" De tout ce qui se passait pour le moment à Silvergate, c'était peut-être ce qui l'étonnait le plus... plus encore que les morts vivants. Personne ne semblait avoir une explication pour cette région où les températures chutaient sans raison. A ce stade, Hay était prête à croire que c'était causé par des aliens.

-"Je n'y croyais pas, mais il y a un mois, un visiteur venu du parking est passé, et je l'ai entendu en parler avec des gens de chez nous - à priori, c'est totalement réel. C'est tout un territoire où il fait glacial toute l'année, tellement que les morts-vivants n'y vont pas. Et..." Attention, la révélation ! "C'est là que se trouve le lac d'Heatherfield ! Tu t'en souviens ? Mes parents m'y amenaient parfois quand j'étais petite. Il n'était pas gelé à l'époque, mais maintenant - imagine un peu !"

Pourquoi ne pas aller vivre dans ce coin de Silvergate, puisque les zombies n'y allaient pas ? Hay Lin ne s'était même pas posé la question, à vrai dire. Malgré les épreuves, elle aimait le musée, elle avait du mal à se voir le quitter. Et déménager toute leur communauté aurait était si compliqué... Ils avaient des enfants parmi eux, des handicapés, sans parler des serres qu'ils avaient si péniblement installées et qu'ils devraient abandonner... Non, aux yeux d'Hay Lin, quitter leur refuge n'était pas une bonne idée.

Mais, en y réfléchissant, il y avait une réponse encore plus simple à la question de Cornélia. Le territoire était déjà pris.

-"Je pense qu'il y a déjà des gens qui vivent là-bas, dans le même coin. Dans un parking..." Elle fronça les sourcils. "Pourquoi ? Tu aurais envie de quitter le musée ?"

Elle se redressa et suivit Cornélia, toujours occupée par ses préparations. Au passage, elle repéra et empaqueta des lunettes de plongée rondes. Pas parce qu'elle en avait besoin... Mais parce qu'elle aimait bien la couleur, qu'elle leur trouvait un chouette style, et que, pourquoi pas ?

En même temps, elle continuait d'écouter son amie. Elle aurait vraiment été déçue d'aller jusqu'au lac, après toutes ces préparations, pour devoir tourner les talons au dernier moment. D'un autre côté... Elle avait encore moins envie de se retrouver à plonger dans l'eau glacée à cause d'une glace trop fragile.

-"Okay, on fera attention. Mais il faut au moins qu'on aille voir..." Elle rit un peu, gardant sa bonne humeur. "De toute façon, je te préviens : je n'ai jamais patiné, je risque de ne pas être três gracieuse. Mais ça va être marrant! .. La corde, c'est pour quoi ?"

Après que Cornélia aie récupéré tout le matériel qu'elle jugeait important, elles finirent par sortir.