Dans le centre ville de Silvergate, dans une luxueuse batisse avec beaucoup de cachet - et un loyer mirobolant - se trouvait le bureau de Ancunin Law LLC. Et là, malgré les événements incroyables qui secouaient la ville de Silvergate, la vie continuait son cours.

Halloween et ses révélations était venu et passé. Astarion faisait partie de ces gens qui rationnalisaient les choses. Pour lui, il devait y avoir une explication concrète à l'affaire... Une hallucination collective, sans doute causée par une fuite de gaz. En tant qu'avocat, la seule chose qui lui importait réellement, c'est qu'il se disait qu'il y aurait peut-être moyen de se faire de l'argent s'il jouait bien ses cartes... Il voyait venir un gros, gros procès, à l'avenir. A part ça, il se moquait bien du sort des participants à la soirée.

Il avait donc passé les dernières semaines à guetter les nouvelles... Mais ça ne voulait pas dire qu'il délaissait ses autres clients. Particulièrement quand ces derniers s'appelaient Strabo Plinth. Le vieux Strabo était un de ses plus gros clients, un entrepreneur qui avait fait fortune dans le commerce d'armes, et qui avait souvent besoin des services d'un avocat sans scrupules. Leur collaboration avait commencé quand Astarion avait quitté la firme de son père, s'était installé à son compte, et avait convaincu Plinth de le suivre. Ca avait été une victoire à la fois professionnelle (money money) et personnelle (fuck you, father) qui continuait de le faire sourire quand il y repensait.

Au fil des années, il avait tissé un lien assez étroit avec Plinth Senior. Non qu'il l'apprécie vraiment. Quelque chose chez lui lui rappelait un peu son propre père, le poussant à rester légèrement sur ses gardes dans ses parages. Mais il était quelqu'un d'utile à qui il voulait plaire. Si bien que quand il avait appris que le fils unique de la famille - le jeune Sejanus - s'était lancé dans des études de droit, il leur avait assuré que son cabinet serait toujours prêt à l'acceuillir. Stage, conseils, recommandations - tout ce qu'il voulait ! Qu'ils disent le mot, et Maître Astarion Ancunin ferait tout pour les satisfaire. Il était même ouvert à donner des leçons privées - au tarif horaire habituel pour ses services, bien sûr. Il n'avait rien contre l'idée de devenir le prof particulier le mieux payé de la ville.

Strabo Plinth était quelqu'un qui savait profiter des opportunités qui lui étaient offertes. Une première rencontre avec le jeune homme était prévue aujourd'hui - la première d'une longue série, Astarion en était certain. Il était assez curieux de voir comment ça allait se passer. Aux dire de Strabo, Sejanus pouvait parfois être un peu... Idéaliste. Un trait que son père appréciait moyennement chez son seul héritier. Alors, si Astarion pouvait le convaincre d'être un peu plus pragmatique... ce serait plutôt bien vu.

Il l'attendait dans son bureau, profitant du petit moment de battement avant son arrivée pour traiter quelques mails. Comme à son habitude, il était parfaitement bien habillé, très sophistiqué. Quand l'étudiant se présenta à sa porte, il alla l'accueillir avec un sourire charmant et l'invita à entrer et s'asseoir.

-"Entre, entre. Installe toi. Je suis heureux d'enfin te rencontrer, Sejanus. Ton père ne tarit pas d'éloges sur toi et sur ta détermination à étudier le droit."

En règle générale, face à des clients (ou des fils de clients), Astarion perdait un peu de son attitude flamboyante habituelle. Il réservait sa gestuelle et ses tirades théâtrales aux collègues, aux amis et conquêtes, et à ce qui lui restait de famille. Ici, il voulait rester professionnel. Il avait une réputation à tenir.

I know I can't slow down
I can't hold back
Though you know
I wish I could
Oh, no there ain't no rest for the wicked
Until we close our eyes for good

Une expression que beaucoup de gens aimaient utiliser à travers le monde était "tel père, tel fils". Astarion lui-même ne pouvait pas dire qu'il aimait cet expression, vu sa propre relation avec son père - et même si, hélas, par certains aspects il lui ressemblait bel et bien. Dans le cas de Sejanus... ça restait à déterminer.

-"Oh, passionnante, en effet. Et très gratifiante, pour ceux qui sont prêts à y mettre les efforts nécessaires. Tu as fais un excellent choix d'études - si tu me pardonnes mon opinion biaisée." Il sourit à nouveau comme le mentor bienveillant qu'il n'était pas du tout. Son attitude charmante n'avait rien de réel. Pour être honnête, materner un gamin aux études ne le réjouissait pas particulièrement. Selon Astarion, le seul intérêt des stagiaires était de leur faire faire les sales boulots chiants et ingrats du bureau... Mais vu qu'il s'agissait du fils d'un gros client, il n'allait pas trop pouvoir l'exploiter.

Mais être un hypocrite faisait partie intégrante de son boulot. Il continua donc sur le même ton - qui avait au demeurant toujours bien marché avec Plinth Senior... "Ton père et moi travaillons ensemble depuis plusieurs années maintenant, et notre collaboration a été fructueuse pour tous les deux. Je le devine impatient de te voir apporter ta pierre à l'édifice."

Destiné à rejoindre l'empire familial. Ca aussi, Astarion connaissait - même s'il était la preuve qu'il était aussi possible de s'en éloigner. Sejanus aurait été bête de cracher sur cet héritage, néanmoins - il y avait beaucoup d'argent et de pouvoir à la clé.

Astarion s'installa dans son siège et prit ses aises, jugeant le jeune homme du regard. Il n'avait déjà pas la même attitude que le vieux Strabo, à vue de nez - ou que la plupart des autres clients riches de l'avocat. Sejanus avait l'air plus réservé, plus prudent. Mh... Peut-être que ça viendrait avec l'âge. 

-"Dis-moi, qu'espères-tu accomplir en étudiant le droit ? Qu'est-ce qui t'a décidé à te lancer ?"

I know I can't slow down
I can't hold back
Though you know
I wish I could
Oh, no there ain't no rest for the wicked
Until we close our eyes for good

Sejanus semblait prudent, modéré. Ses mots étaient réfléchis, et loin d'être stupides. S'en aurait presque été ennuyeux...

Alors, qu'est-ce qui l'intéressait dans le droit ? Le challenge que ça représentait, disait-il. L'interprétation de la loi et les façons de la manipuler pour obtenir ce qu'on voulait. C'était, certainement, une importante partie du boulot. Une partie qu'Astarion aussi appréciait, le genre de défi bien récompensé pour lequel il avait du talent. C'était un peu la réputation de sa firme... Pas étonnant qu'il attire autant de clients véreux.

De la part d'un jeune homme sensé être "un peu trop idéaliste", la réponse était intrigante, cependant. Un petit peu trop comme la réponse qu'il voulait entendre. "Intéressant," dit-il simplement. "On dirait que tu es au bon endroit."

Astarion eut un demi sourire en entendant le jeune homme dire que son père "n'avait pas perdu de temps" avant de l'informer de ses projets pour lui. Les hommes de ce genre le faisaient rarement. Surtout avec un fils unique, comme Sejanus. Le jeune homme avait sans doute eu son avenir tout tracé avant d'avoir poussé son premier cri.

-"Ah, je ne doute pas. Même si tu ne devais pas poursuivre une carrière d'avocat, et plutôt prendre la place de ton père le moment venu - tes études ne seront jamais perdues. De solides connaissances en droit te seront de toute façon plus qu'utiles." Oh, il pouvait pratiquer le droit pendant quelques années, peut-être même passer le barreau si ça lui chantait - même si ce n'était pas une partie de plaisir. Ultimement, il aurait toujours l'entreprise de papa comme plan de secours.

Ils parlèrent encore un peu du père, et de ses raisons pour envoyer Sejanus ici. Le jeune homme supposait qu'Astarion en savais beaucoup sur la famille - oh, ça, sans aucun doute, et pas que des jolies choses... "C'est le cas, c'est le cas. J'ose dire que mon cabinet ne serait pas ce qu'il est à l'heure actuelle, si je n'avais pas eu ton père comme client à ses débuts. Une victoire pour lui est une victoire pour moi, et vice-versa." Des propos flatteurs qu'Astarion espérait à moitié que Sejanus répéterait à son père. "C'est le cas, c'est le cas. J'ose dire que mon cabinet ne serait pas ce qu'il est à l'heure actuelle, si je n'avais pas eu ton père comme client à ses débuts."

Il s'inclina un peu dans son siège.

-"J'imagine que tu comptes te diriger vers le droit des affaires ? Le commerce, les sociétés..." Il rit un peu. "C'est certainement ce que ton père souhaiterait."

I know I can't slow down
I can't hold back
Though you know
I wish I could
Oh, no there ain't no rest for the wicked
Until we close our eyes for good

Les bons samaritains... Voilà une tournure de phrase qui faisait un peu mal à l'ego d'Astarion, il fallait l'admettre. Ce n'était pas totalement faux, mais il n'aimait pas le reconnaître, se voir comme quelqu'un qui avait eu besoin de l'aide des autres pour s'en sortir. Sejanus n'avait... probablement... pas songé à mal en formulant les choses ainsi ? Enfin. on ne savait jamais, avec les gosses de riches. "Il a su repérer une opportunité. Nous savons tous les deux qu'il est doué pour ça." Et il conclut avec un sourire glacé. Sale gamin.

C'était vrai, cependant : Strabo avait un talent fou pour saisir des opportunités du genre. Astarion se demandait si le fils Pinth avait le même sens des affaires que son père. Mais vu ses paroles, il commençait à en douter. Le droit social ? Social ?

Il éclata de rire. Comme si Sejanus venait de lui sortir une très bonne blague. Mais le garçon était sérieux - ce qui, honnêtement, ne faisait que rendre la chose plus drôle. Oh, pauvre vieux Strabo ! "Le droit social ?", répéta-t-il, l'air incrédule, sans s'excuser pour son hilarité. "Ah ! Je suppose que si tu dois un jour tu dois faire face à des syndicats furieux, ça pourra t'être utile... Pour leur couper l'herbe sous le pied, ah !"

Il ne comprenait pas, honnêtement. "Un spectre d'apprentissage plus large" ? Ca ressemblait un peu, beaucoup, à une fausse excuse, quand le droit des affaires semblait tellement plus approprié. Si encore il avait choisi l'une de ces matières un peu "glamour" que les jeunes étudiants fantasques avait envie d'étudier... Le droit criminel, constitutionnel... Astarion aurait compris ! Mais se diriger vers le social... Ca le dépassait.

Ah, c'était bien amusant, tout ça. Mais il devait quand même reprendre son sérieux. "Je suppose que tu en as déjà parlé à ton père ?" Qu'en avait-il dit, le vieux ? A ce stade, Astarion était intéressé par le scoop.

I know I can't slow down
I can't hold back
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I wish I could
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Astarion haussa un sourcil, un peu décontenancé d'une part par la tournure de phrase un peu déplacée du jeune homme (non que ce soit un repproche, ça ajoutait du piment dans la conversation) et d'autre part par ce qu'il disait. Vraiment ? Le vieux se foutait des choix de son fils ? Hum, peut-être était-ce le cas mal ça étonnait l'avocat, qui voyait plutôt ce genre d'homme comme des "control freaks" incapable de laisser aux autres le loisir de faire leurs choix. Ah, peut-être associait-il vraiment trop Strabo à son propre père ? Peut-être cela déformait-il sa vision des choses. "N'es-tu pas chanceux. Pour le même prix, pourquoi faire des études tout court ? Tu pourrais facilement profiter de l'argent de papa et vivre une jeunesse dorée sans le moindre souci. "

Et pour ce qui était de reprendre l'entreprise familiale... Rien ne l'aurait empêché de déléguer les tâches les plus compliquées à quelques sous-directeurs ambitieux en gardant la mainmise sur le pactole. Ce n'était peut-être pas très glorieux, mais comme lui avait dit un ami dans sa jeunesse : le bon plan est celui qui marche...

Et c'était déjà plus compréhensible selon Astarion que d'étudier le droit social.

Il croisa les bras. "En effet, nous faisons presque exclusivement du droit des affaires, dans plusieurs domaines... Concurrence et commerce international, fusions et acquisitions, droit des sociétés, fiscalité... Même un peu de propriété intellectuelle, depuis un an, mais on en est qu'au début." Que des choses bien lucratives, pour attirer les gros clients. La firme n'en était encore qu'à ses débuts, Astarion en voulait toujours plus, il espérait un jour faire de la concurrence aux plus grands bureaux d'avocats de New York ou de LA.

-"Ton père souhaiterait te voir faire un stage chez moi. De mon côté, la porte est ouverte, mais je vais être honnête : c'est un bon client, il pourrait m'envoyer n'importe qui et je lui dirais oui. La question est, est-ce que toi, ça t'intéresse ? Ce n'est pas exactement du social, qu'on pratique ici."

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Sejanus répétait les mêmes mots. Il voulait connaître la loi pour mieux la contourner à l'avenir. Il espérait ratisser un large spectre d'apprentissage pour parfaire son éducation.

Astarion aussi, à l'âge de Sejanus, s'était fortement consacré à ses études. Dans son cas, ça avait été une échappatoire : il avait réalisé que sa seule chance d'échapper à l'influence de son père, sans pour autant se retrouver sur la paille, était de se trouver un bon boulot qui paierait bien et qui lui permettrait de devenir indépendant. Et pour cela, il devait faire des études.

Mais c'était différent pour Sejanus, n'est-ce pas ? Il n'avait pas le même besoin désespéré de s'émanciper. Il comptait reprendre l'entreprise de son père. Du moins, c'est ce qu'il affirmait...

Etait-ce une tromperie ? Cette pensée intriguante traversa Astarion, soudainement. Peut-être planifiait-il secrètement le même genre de "coup". Une trahison de fils en père, où Sejanus révélerait soudain son plan pour évincer son père ou pour lancer sa propre entreprise concurrente. Cela avait-il du sens ? Astarion ne connaissait pas assez bien la famille Plinth pour en juger.

-"Je comprends. Tu as certainement l'air de savoir ce que tu veux - c'est le plus important, dans ce milieu... Avoir une idée, et avoir les tripes pour s'y tenir." Il avait de l'avenir, le petit jeune. Pour faire quoi, Astarion n'en était pas encore vraiment sûr, mais ce serait intéressant de le suivre. "J'espère juste que tu continueras à faire appel à nos services malgré ta future expertise."

Il se leva d'un coup. Encore une fois, il n'avait jamais vraiment eu besoin d'être convaincu pour accepter de prendre le jeune homme en stage. Il aurait accepté le fils de Strabo Plinth même si ce dernier s'était révélé être un cancre fini. Mais il était satisfait de constater que ce dernier avait l'air assez vif et réellement intéressé par le droit.

-"Bien ! Si tu le souhaites, je peux déjà te faire faire le tour du bureau et te présenter aux collaborateurs et au reste de l'équipe. Nous pourrons nous occuper des détails administratifs plus tard." Ce genre de trucs ne le concernait pas, il laisserait son secrétaire s'en occuper.

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