Astarion avait été touché par Animus depuis plusieurs mois maintenant, et le moins qu'on puisse dire, c'est que ça avait bouleversé sa vie. Il avait laissé sa planète derrière lui, oublié le passé et les mauvais souvenirs qui allaient avec. Il avait découvert le reste du monde, en dehors de Victoria City. En gros, il était devenu... une personne réelle.

Oui, il était libre - mais ça signifiait également qu'il était vulnérable. Il n'avait pas d'argent à lui, pas d'amis puissants, pas de maison. Il était seul contre le monde. Et dans cet univers dangereux où il pouvait désormais vivre pour lui-même, il cherchait la fortune.

Il avait très vite réalisé que son avenir n'était pas sur LYRIA 2T44. C'était une région déprimante, pleine de cyborgs paumés et d'usines à l'abandon. Les habitants prétendaient que c'était leur maison, leur refuge bien aimé. Ils agissaient comme s'il y avait quelque chose de beau, même de noble, dans cette occupation de la planète qui avait autrefois appartenu aux humains. Mais Astarion n'était pas dupe. Beau, noble ? Oh, que nenni - c'était plus triste qu'autre chose, en vérité. Qui aurait réellement été heureux de vivre là, parmi les rebuts abandonnés d'Elvion ? Peut-être que les autres cyborgs s'en contentaient, mais lui, il en avait assez de survivre sur des restes.

Donc, quelque mois après que Raven le dépose, il était déjà reparti à bord d'un autre vaisseau, en échange de quelques menus services à bord et d'un numéro de charme auprès du capitaine. A partir de là, il avait erré de station en station, sans réellement savoir où aller, jusqu'à se retrouver à Silvergate. La capitale de la Fédération, la planète de toutes les opportunités ! S'il y avait bien un endroit où il pouvait trouver sa voie, ça devait être ici.... Non ?

Sauf que sur place, il s'était retrouvé dans une impasse. Jusqu'à présent, au minimum, il avait eu des objectifs précis. "Quitter Elvion", "Quitter 2T44", "atteindre Silvergate". Maintenant, il n'avait plus rien - juste de vagues idées qu'il ne savait pas comment mettre un oeuvre. Il semblait qu'il n'était pas un très bon planificateur, en fait. Peut-être que ça ne faisait pas partie de son programme.

Bref : Il ne connaissait personne en ville, et il ne savait pas où aller. Sans objectif précis, il errait là, à la recherche de quelque chose qui lui montrerait comment devenir le genre de personne riche et puissante qu'il rêvait d'être... tout en continuant de vivre dans la peur et la précarité. Et la seule solution qu'il voyait dans l'immédiait, c'était de retomber dans les vieilles habitudes qui lui avaient permis de survivre jusque là - trouver quelqu'un, jouer les séducteurs, vivre à ses crochets un moment.

C'est pourquoi il traînait dans less bars du pôle touristique, attentif aux alentours. Il portait ses lunettes, les fameuses lunettes "magiques" qu'il avait volées à Raven. Elles donnaient à ses yeux une apparence humaine. Il préférait se faire passer pour un humain, même ici.

Il vit entrer une jeune femme seule, une astrolite. Elle ne parlait à personne - peut-être attendait-elle quelqu'un, peut-être était-elle juste de sortie en solo, ce soir... Elle était belle, avec sa peau bleutée : Astarion avait rencontré peu d'astrolites, durant sa vie sur Elvion, et ils gardaient une dimension exotique et mystérieuse à ses yeux. En vérité, l'apparence de sa future cible ne lui importait pas vraiment, mais tant qu'à faire...

Bref, il fallait se lancer. Qui ne tente rien n'a rien. Il s'approcha de l'inconnue qui s'était installée au bar, avec une démarche détendue bien étudiée et un sourire séducteur.

-"Tu me dois un verre", dit-il. "J'ai laissé tomber le mien en te voyant rentrer dans le bar." Cheesy. Mais que risquait-il ? Au pire, il se prendrait un rateau.

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Astarion ne se départit pas de son sourire, laissant la jeune femme réagir à son approche. L'astrolite n'avait pas l'air fermée à l'idée de flirter, pour l'instant... Probablement était-elle venue dans ce bar comme ça, en solitaire, dans l'idée de faire des rencontres. Et bien, ça tombait à pic... Un A pour son effort et son audace, disait-elle ? Qu'elle attende de voir : ce n'était que le début.

Elle ajouta qu'elle pourrait éventuellement lui payer un verre - à condition qu'il lui donne son nom. Ce n'était pas un grand prix à payer.

-"Ce serait A pour Astarion."

Ce genre d'échanges entre humour et séduction lui venaient naturellement, comme un script rejoué encore et encore. Il l'avait fait si souvent. Mais, comme on disait, il fallait être à deux pour danser le tango... Et, en tant que partenaire, cette jeune femme semblait parfaite : elle avait du répondant, elle était jolie, elle était même prête à lui payer un verre, que demander de plus ? (Il avait, lui-même, juste assez d'argent en poche pour lui offrir un verre ou deux plus tard dans la soirée, histoire de ne pas sembler totalement pingre. Ceci dit, il devait compter ses sous. Il préférait être prudent, sans en donner l'impression.)

-"Et toi, dis-moi, quel est ton nom ? Ou dois-je juste t'appeler beauté ?"

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L'affaire se passait fort bien jusqu'à présent, Astarion se surprenait même à s'amuser. Et l'astrolite avait l'air de s'amuser aussi... Elle s'appelait Octavia - "Un beau nom, presque aussi beau que toi" - et elle passa commande au barman pendant qu'il la dévorait des yeux.

Elle lui demanda ce qui l'attirait à Silvergate - à moins qu'il n'y vive ? Il lui répondit à moitié sincèrement.

-"Je viens d'Elvion. Victoria City." Il préférait ne pas mentir sur ce point. Victoria était l'endroit du système qu'il connaissait le mieux : si elle avait des questions, il pourrait y répondre. Alors que s'il faisait semblant d'être un citoyen de Silvergate, et qu'elle l'interrogeait sur des aspects de la Capitale dont il ignorait tout.... Il aurait l'air bien bête. Par contre, pour le reste, il pouvait se permettre d'inventer... "Je suis avocat, juste de passage pour les affaires. Mais ne perdons pas de temps à discuter boulot... C'est si ennuyeux, et j'ai bien plus intéressant en tête." Il préférait vraiment ne pas parler de lui, pour des raisons évidentes.

Le barman leur tendit un verre tout fraichement préparé et Astarion le leva vers elle.

-"A la tienne, beautiful."

Ils trinquèrent. Elle lui avait pris un Old Fashioned, la même commande que pour elle. Il devait être bon, vu la réputation de ce bar... Même si pour Astarion, ça ne faisait pas grande différence. En tant que cyborg, il n'avait pas besoin de manger ou de boire. Il en était capable, ses créateurs l'ayant doté de cette capacité - sans doute pour sembler plus "normal" aux yeux de ses clients. Mais il n'y prenait pas spécialement de plaisir. Les subtilités du goût du cocktail seraient perdues sur son palais synthétique, et l'alcool n'aurait pas de réel effet sur lui... Il pouvait faire semblant, ceci dit. Comme pour tout.

-"Parle-moi de toi... Tu vis ici, ou tu es aussi de passage ?"

 

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Octavia n'avait jamais visité Victoria City. Tant mieux : ça signifiait qu'elle serait plus susceptible de le croire, s'il devait mentir sur les lieux précis de la ville. Elle en avait quand même déjà entendu parler, cependant, assez pour connaître les faits les plus important à son propos. Que c'était une mégapole. Qu'on y trouvait le siège d'Asco Corp. Elle lâcha au passage qu'elle ne portait pas la corporation à cœur, ce qui réussit à surprendre Astarion. Oh, il avait déjà vu un paquet d'humains critiquer la société, parfois à demi-mots, parfois ouvertement... Généralement, c'étaient des clients à lui, qui n'hésitaient pas, alors même qu'ils geignaient contre les injustices d'Elvion, à utiliser les services de cyborg comme lui. Une sacrée ironie, avec un peu de recul.

Mais sur Elvion, la corporation était omniprésente, c'était plutôt normal que les gens y pensent et en parle. Il n'aurait pas cru qu'une astrolite sur Silvergate en aurait quoi que ce soit à faire, par contre.

-"Et bien... Ils sont puissants, donc ils doivent au moins faire quelque chose correctement," dit-il en réponse... Ca trahissait son véritable état d'esprit. Il avait tendance à juger la valeur des gens en fonction de leur pouvoir. Et... Il avait clairement ses raisons pour détester Asco, et il les détestait, il ne fallait pas s'y tromper, mais en même temps, il les enviait. S'il avait été humain, avec la possibilité de les rejoindre, de devenir quelqu'un d'influent chez eux... Bien sûr, il l'aurait fait, sans même hésiter.

Comme il l'avait demandé, elle lui parla d'elle. Silia, Izapra... Autant de noms qu'il ne connaissait pas. C'était de Silia qu'elle venait, et elle était de passage pour les affaires, tout comme il prétendait l'être. Mais elle lui répéta ses paroles. A quoi bon parler boulot ? N'y avait-il pas plus intéressant ?

Elle lui proposa de sortir, quand ils auraient fini leur verre. De se trouver un endroit où passer du temps à deux, loin des regards indiscrets et des distractions... Et voilà, le maître à l'oeuvre. Hook, line, and sinker.

-"En ce moment, rien ne me ferait plus plaisir." Il posa sa main sur la sienne - et de l'autre, reprit quelques gorgées de son Old Fashioned, histoire de le terminer vite. "Tu es vraiment quelqu'un de spécial, mh ?" Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Rien, à part la flatter... 

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Une chose en menait rapidement à une autre, et assez vite, Astarion et Octavia s'étaient retrouvés dehors, dans les rues actives à toutes les heures de la cité géante de Silvergate,  à marcher côte à côte... Vers où ? Astarion ne savait pas exactement - c'était Octavia qui menait la danse. Son hôtel, il supposait, ou l'endroit qu'elle louait quand elle était de passage sur la planète. Un endroit plus tranquille, comme elle avait dit... C'était tout ce qu'il attendait...

Et alors qu'ils marchaient, il lui jetait de petits regards en coin, se disant qu'il était bien tombé. Elle était charmante. Classe, mais pas chiante. Il avait déjà dû faire avec bien pire. Non - la soirée était bien partie, ils allaient passer un bon moment... Combien de temps allait-elle rester en ville ? Il faudrait qu'il lui demande ça. Se faire une idée de combien de temps il pourrait compter sur sa présence.

Ils finirent par arriver dans un bel appartement, plutôt spacieux, meublé avec goût. Elle l'occupait, dit-elle, à chaque fois qu'elle venait à Silvergate. Pas aussi impersonnel qu'une chambre d'hôtel, donc - mais pas non plus aussi révélateur que si ça avait été sa résidence principale.

-"Voyons voir si on arrive à le rendre encore plus chaleureux," murmura-t-il, quand elle s'approcha de lui, expliquant que c'était sa seconde maison.

Ils étaient tout proches à présent, Astarion pouvait sentir la chaleur de son corps sur toute sa peau synthétique. Bien sûr - c'était une astrolite... Ce n'était pas une sensation désagréable. Electrifiante, on aurait pu dire. Elle s'approcha encore... Il répondit à son baiser, langoureusement, comme si ça avait été tout ce dont il avait rêvé depuis tout ce temps, et il l'attira plus près, laissant ses instincts le guider...

Ils s'entraînèrent l'un l'autre plus loin dans l'appartement. Il retira sa veste et la laissa tomber sur un fauteuil, consacrant toute son attention à sa compagne. "Tu es si belle," lui dit-il encore à l'oreille, passant une main dans son dos, contre sa peau... 

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Et leur échange se termina comme prévu : sur du sexe. On aurait pu dire que c'était dans sa nature : la raison pour laquelle il avait été créé, et tout ce à quoi il était bon. Ou alors, on aurait pu voir ça comme une manière pour lui de "s'en sortir" en ce bas monde, de tirer son épingle du jeu malgré des circonstances difficiles. Dans tous les cas, c'était une transaction, déjà répétée mille fois, et qui ne signifiait plus grand chose pour lui, même avec une personne qu'il s'était réellement surpris à apprécier pendant leur brève rencontre.

Un plaisir passager... C'était tout.

Il se réveilla le lendemain, comme bien des matins, dans une chambre inconnue, aux côté de sa conquête de la veille. Il ne savait pas quelle heure il était, mais il devait encore être tôt : tout était encore silencieux - même les bruits de la rue peinaient à se faire entendre à travers les vitres bien isolées de l'appartement. Le lit était chaud, confortable, et Astarion resta un instant bêtement allongé, sans penser à rien, à profiter de ce simple confort.

Il ouvrit paresseusement les yeux, observant la chambre sans se presser. A la lumière du jour, qui filtrait à présent à travers les rideaux, l'endroit semblait encore plus agréable que la veille. Cette Octavia devait être riche, pour se permettre de louer un appartement pareil - sur une planète qui n'était même pas la sienne... Il dirigea son regard vers elle, encore allongée à ses côtés. Elle remua, comme si elle s'éveillait à son tour. Et c'est au tout dernier moment qu'il se fit la réflexion que - oh, attends, il ne portait pas ses lunettes, là !

Merde, songea-t-il en refermant instinctivement les yeux et en se réfugiant sous la couverture. Ses lunettes ! Les fameuses lunettes qu'il avait volée à Raven, la première personne à lui témoigner de l'amitié et à lui donner un coup de main sur Elvion... Les lunettes qui cachaient sa nature de cyborg, et qui donnaient à ses yeux artificiels une apparence humaine... Les lunettes sans lesquelles Octavia ne l'avait jamais vu, à priori !

Peut-être était-ce une réaction excessive. Techniquement, être un cyborg n'était pas illégal : il n'était plus sur Elvion, il ne risquait rien s'il se faisait surprendre... Mais il avait passé toute la soirée à se faire passer pour un riche humain plein de succès aux yeux d'Octavia, et il ne comptait pas se faire prendre dans son mensonge aussi rapidement. D'une : il semblerait ridicule et pathétique, et il n'aimait pas ça. De deux : elle risquerait de le foutre dehors, et il n'en avait aucune envie. Et de trois, elle avait l'air de quelqu'un de relativement important, en tout cas à Astria, et il ne voulait pas d'ennuis avec elle.

Heureusement, la belle astrolite ne semblait rien avoir remarqué. Elle s'était complétement réveillée, il l'entendit s'asseoir sur le coin du lit, lui parler. Il roula sur le matelas, pour lui tourner le dos, et fit mine de s'étirer.

-"Mh ?" Malgré sa panique grandissante intérieure (où étaient ces satanées...) il garda une voix indifférente. "Je prendrais bien un café, si tu t'en fais un pour toi...." Il tâtonna à l'aveugle sur la table de nuit, sans mettre la main dessus.

Il n'écoutait Octavia que d'une oreille... Mais quand même suffisament por comprendre qu'elle allait retourner sur Astria très bientôt. C'était à la fois un soulagement et une déception... Soulagement, parce que ça signifiait qu'il n'aurait plus qu'à maintenir cette masquerade quelques heures tout au plus avant de la voir partir pour toujours... Et déception, car en toute franchise, il aurait volontiers passé plus de temps à ses côtés, dans ce bel appartement. Ah ! de retour à la rue, c'était l'histoire de sa vie...

-"Moi, hum, je reste encore ici quelques jours... "

Il se refit le scénario de la vielle dans sa tête - leur passage dans le salon, dans la chambre. Quand les avait-il enlevées ? Et où ?

-"Dis-moi, chérie, tu n'as pas vu mes lunettes quelque part ?"

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