Eretria n’avait pas pour habitude de s’empêcher de ruer sur l’action. Au contraire même et il lui fallait faire preuve d’un véritable self-control pour rester là à ne rien faire d’autre que de s’occuper de la blessée. Certes, le tir que cette dernière avait pris aidait à peser le pour et le contre pour ne pas prendre de décisions hâtive et irréfléchie. Alors elle avait fait de son mieux en venant prêter main forte pour l’aider, suivant les consignes de la médecin présente. Une situation qui lui offrait un bon point de vue d’observation et d’analyse maintenant qu’il fallait principalement surveiller la victime. En entendant cette conclusion d’Inej qui s’était mise à questionner la personne, Eretria avait laissé sortir un soupir de soulagement, et s’était laissé retomber sur le sol. Ils avaient peut-être évité un drame, mais le pire était encore présent selon elle. D'ailleurs, son regard s’était reporté sur les hommes en tenues de militaires, comme si le simple fait de les observer pourrait les atteindre. Un regard brûlant d’envie de leur faire savoir le fond de sa pensée, mais la jeune femme n’était pas folle. Elle savait qu’elle n’était pas en position d’action ou même de force. Elle n’était même pas armée, ses couteaux ayant été abandonnés dans le train alors qu’on ne lui avait pas laissé la possibilité de riposter.

Mais la présence de cette trousse de secours changeait la donne. Et si Eretria avait pris le temps de questionner quant à son contenue, elle n’attendit pas forcément une réponse - ou une tentative de dissuasion – pour récupérer ce qui pouvait s’avérer d’intéressant. D’ailleurs, si un premier coup d’œil lui permit de voir qu’il n’y avait pas de quoi réellement correspondre à une arme de prime abord (tel que les ciseaux ou le scalpel qu’elle avait envisagé), il y avait autre chose qui pouvait se montrer tout aussi intéressant et pouvant presque passer pour inoffensif.

— Ne t’inquiète pas, on ne va pas te laisser mourir.

La voix faiblarde de la jeune femme avait détourné Eretria de son idée, et elle n’avait pu s’empêcher de lui répondre. Elle n’était pas vraiment optimiste face à la tête de la blessure, mais ce n’était pas vraiment l’idée du siècle que de commencer à exposer ses chances ou non de s’en sortir. Des chances que la jeune femme ne pouvait pas vraiment calculer alors qu’elle pouvait juste catégoriser le tout comme un “ça ne sent pas bon” qu’elle gardait pour elle. Une expression qui allait aussi pouvoir s’appliquer à la femme ayant tenté de prendre la parole pour en calmer certains et qui tira une exaspération à l’Hispanique alors que, sans surprise, elle fut cueillie par un militaire n’ayant pas apprécié. Se faire remarquer n’était pas forcément la meilleure des choses à faire, mais c’était à croire que ça allait être le mot d’ordre, alors que la lumière se fut subitement moins forte avec un pan de la salle se plongea dans la pénombre. Eretria eut un sursaut de surprise, mais elle y vit aussi une occasion en or. Celle de se servir dans la trousse de soins, sans que les militaires ne puissent la voir.

Sa main plongea alors dans la pochette pour en récupérer une pince à épiler et un coupe-ongle. Rien de bien folichon, mais qui avait pourtant une certaine valeur à ses yeux. Avec un peu d’imagination, tout pouvait devenir potentiellement dangereux et ces dernières années avaient aidé à rendre Eretria plus ingénieuse. Elle ne savait pas ce qui avait provoqué cette panne de courant – une défaillance dans le système ou toute autre chose – mais elle ne pouvait que la bénir pour cette occasion offerte. La bénir avant de la maudire alors que l’approche d’une personne l’avait fait sursauter. Elle vit rapidement qu’il s’agissait de @Zelda, ce qui la soulagea. Au moins, ce n’était pas quelqu’un qui venait de la prendre sur le fait.

— On fait aller. On n’est pas vraiment aidé en ayant le matériel adéquat.

Elle avait répondu à la jeune femme d’une voix basse et coincé entre ses dents. La situation ne l’enchantait pas, mais elle devait avouer qu’elle appréciait d’être rejointe par une amie du train. Une amie qui pouvait s’avérer être une alliée, dont elle chercha à attirer le regard sur sa main qu’elle avait légèrement entrouverte entre elles.

— Il va falloir qu’on commence à assurer nos arrières. S’ils continuent à tirer sur tout ce qui bouge, on va finir par ne pas passer la nuit.

Encore une fois, c’était dans un murmure qu’elle avait parlé pour ne pas attirer l’attention. Maintenant qu’est-ce qu’il allait en être, elle n’en avait strictement aucune idée.

Cette perte de lumière était une véritable aubaine que Eretria ne pouvait qu’apprécier. Elle sentait bien que l’ambiance changeait imperceptiblement, n’étant plus la même que lors de l’annonce de ce cher Colonel Sanders et ce n’était pas la brune qui irait s’en plaindre. Bien au contraire alors que cela lui avait permis d’être rejointe par Zelda, mais aussi de récupérer ce qui pouvait être plus ou moins utile dans cette trousse. Certes, elle aurait préféré avoir quelque chose d’un peu plus intéressant, comme un scalpel, mais il faudrait faire avec ça et certains pouvaient oublier la dangerosité d’une pince à épiler ou d’un coupe-ongle. D’ailleurs, le deuxième accessoire alla à la blonde qui se tenait désormais à ses côtés et qu’Eretria gardait informée de la situation. L’Hispanique ne faisait peut-être pas preuve d’optimisme, mais peu à peu son attention s’était détachée de la blessée pour s’orienter sur leur groupe de communauté ainsi que sur les gardes. Leur façon d’agir l’intriguait, mais elle n’avait pas les connaissances militaires suffisantes pour analyser correctement cette observation. Elle ne pouvait que faire preuve d’attention pour se montrer prête à agir au moindre changement allant en leur faveur.

Et ce changement ne tarda pas à manifester son commencement alors que les hommes armés manifestèrent leur besoin d’affirmer leur autorité. Une réaction qui tira d’ailleurs une nouvelle exaspération d’Eretria qui eut presque en vie d’en rire. Sérieusement ? Ils envisageaient réellement de tirer dans le tas ? La remarque de Zelda la fit d’ailleurs sourire, étrangement, l’Hispanique obtempéra à la demande. Après avoir furtivement glissé sa pince entre les lacets de sa chaussure, elle leva innocemment les mains. Seul geste sympathique de sa part alors que, cette fois – et même si elle savait que ça pouvait être idiot de faire ça – elle n’allait pas se taire.

— Vous croyez vraiment que tirer dans la foule va plaire à votre cher Colonel ? Il veut qu’on trime pour vous, pas qu’on vienne vous bouffer dans notre mort.  

À ce stade, les nerfs d’Eretria commençaient à réellement lâcher. Tant pis si sa remarque lui valait un coup, elle encaisserait tout comme elle avait encaissé au train. Elle n’y croyait pas à cette menace qui ne faisait que raffermir cette conviction qu’elle avait de ne pas avoir peur d’eux. Le Colonel, c’était différent, elle devait avouer qu’elle n’était pas sereine maintenant qu’elle l’avait vu. Mais il était absent pour le moment et en général, l’absence du leader pouvait permettre de mieux jouer sur une situation. En tout cas, c’était ainsi qu’elle voyait les choses et si elle avait été à la place de celui qui les avait tous réunis ici, elle n’aurait certainement pas laissé le groupe à la seule surveillance de subalterne.

— Si ça pète, faut qu’on mette celle-là à l’abri.

Eretria n’avait pas parlé fort cette fois et avait désigné la blessée du menton. Elle voulait bien que les choses bougent et que la situation se renverse. Et d’ailleurs, si ça arrivait, elle espérait obtenir mieux que sa pince à épiler comme arme pour tout de même mieux se défendre. Seulement, elle pensait aussi à celle qui devait souffrir le martyre avec le trou qui ornait désormais sa jambe et qui ne pouvait rester au milieu d’un mouvement de foule.