Sarah avait embarqué Jonah à sa suite. Celui-ci lui intima de l'attendre, et elle ralentit juste assez pour qu'il ne la perde pas de vue. "Emma !" gueula-t-il soudain, alors qu'elle venait de s'engager dans le couloir, dos à la direction dans laquelle il regardait. Il lui en avait parlé, un peu, de cette jeune fille qui avait contacté le parking par radio.  Elle posa une main sur son bras.

- D'abord, on s'arme, après, on va la chercher, déclara-t-elle d'une voix sans appel.

Puis elle reprit sa course, traversa une salle aux murs ornées de tapisseries médiévales. Elle en souleva une, et enfonça une porte d'un coup de pieds. Dans ce qui ressemblait à un atelier d'entretien et de réparation, des armures un peu abîmées s'étalaient en pièces détachées. Les armes qui armes appuyées conte le mur, elles, étaient en parfait état de marche. Sarah attrappa une hallebarde et tendit une épée à Jonah.

Puis elle se mit à courir en sens inverse, pour voler au secours de cette mystérieuse ado. Deux des mercenaires se tenaient dans l'encadrement des toilettes. Dans un cri de guerre qui lui donnait l'air d'une amazone - avec son visage chargé de haine, et les cheveux en bataille qui retombaient sur son dos depuis que son élastique s'était rompu - elle abattit sa hallebarde sur le plus proche, visant le trapèze, ce muscle à la jointure de l'épaule et du coup. Elle l'aurait décapité si elle avait pu, mais ne parvint qu'à lui laisser une entaille profonde et sanglante, mais pas immédiatement mortelle, car elle buta contre la clavicule. Au même moment, un coup de feu retentissait.

L'homme pivota en grognant de douleur, se tenant la plaie.

- Espèce de salope ! s'exclama-t-il en se jetant sur elle, fou de douleur et de rage.

Bordel ! Une blessée au milieu d'une fusillade... C'était la catastrophe.

Il y en aurait d'autre, des blessés, c'était inévitable. Mais pour l'heure, elle ne pouvait que mettre en sécurité celle qu'elle avait déjà soignée... Et les soigner quand les choses se calmeraient. Et donc, elle fit appel à... La Convention de Genève. Est-ce que ça avait toujours une espèce d'importance aujourd'hui ? Ces types avait l'air d'avoir un passif militaire, et n'importe quel ancien soldat américain y serait sensible. Du moins, elle espérait que ce serait le cas des hommes du colonnel KFC. Elle comptait demander aux filles de l'aider, quand le dénommé Klaus se mit soudain à chanter de plus belle. En français, une langue qu'Inej n'avait que survolée au lycée - autant dire qu'elle ne comprit rien à sa chanson, reprise par une ado à la voix de fée.

En parlant d'ado, Gwen leur souhaita "Bonne chance", et Inej hocha la tête.

- Fais attention à toi.

Et la blonde fila dans la direction de celui qui devait être son père, perdant l'attention d'Inej... qui venait de se faire apostropher par un garde.

- Convention de Genève ? Tu te fous de ma gueule ou quoi ?! gueula-t-il en la l'attrappant violemment par le bras gauche. Une douleur intense irradia dans son épaule, rappelant à son souvenir sa blessure de cinq mois plus tôt. Et soudain, Inej vit rouge. Alors comme ça, les conventions internationales n'avait plus court ?! Et bien, si ces hommes n'étaient pas tenus à la Convention de Genève, alors elle n'était pas tenue au serment d'Hippocrate, putain de merde ! De sa main droite, elle saisit son scalpel et le poignarda violemment dans l'artère radiale, exposée par la prise qu'il avait sur son bras. Un violent jet de sang aspergea le visage de la jeune femme, ainsi que son buste qui n'était toujours couvert que par un soutien-gorge depuis qu'elle avait utilisé son t-shirt pour éponger le sang de la blessée. Le visage de l'homme se tordit sous l'effet de la surprise, et il s'effondra. Il n'était pas encore mort, mais ça ne tarderait pas. Et Inej se saisit de son arme tandis qu'un autre, un peu plus proche de la blessée, s'effondrait sous l'effet d'une balle.

- Klaus, interpella-t-elle le grand brun, et celui-ci leva la tête vers elle. Tu as l'air costaud. Je veux que tu la portes hors d'ici. Trouve l'infirmerie, ou un endroit sûr, et reste avec elle. Si elle se remet à saigner, comprime la plaie. Je te couvre.

Et fidèle à sa parole, elle descendit le premier soldat qui se tenait en travers de la route du brun.

Maze et Lucifer tombèrent d'accord, et il lui remit sur le champ une arme à feu. Elle partit aussitôt voir Eve, mais heureusement, elle revint à ses côtés lorsque l'action se lança.

Ce ne fut que lorsque la jeune fille reprit le chant de l'énergumène dont Maze s'était entichée que le cultivé maire de Warlington Square le reconnut : le chant des partisan, composé en France lors de la seconde guerre mondiale. Approprié, à ceci près que personne dans la salle ne devait le comprendre, encore moins le connaître. Alors, Lucifer, qui après avoir lâché son premier tir s'était trouvé lui aussi un meuble comme point de chute d'où mitrailler à loisir, se mit à chanter à son tour, de sa plus belle voix de stentor, le chant de la révolution américaine. Après tout, n'était-il pas du devoir du maire d'inspirer ses concitoyens ? Et comment mieux que par un chant que tous avaient appris à l'école : Liberty.

- Come, join hand in hand, brave Americans all,

And rouse your bold hearts at fair Liberty's call;

No tyrannous acts shall suppress your just claim,

Or stain with dishonour America's name.

La jeune fille qui chantait on ne savait où sembla comprendre son intention, car elle renonça aussitôt au chant du partisan pour se joindre à lui lors du refrain.

- In Freedom we're born and in Freedom we'll live.

Our purses are ready. Steady, friends, steady;

Not as slaves, but as Freemen our money we'll give.

Chanta Lucifer en faisant pleuvoir la mitraille sur l'ennemi.

Soudain, l'un de ces salaud poignarda Maze en plein flanc.

- Maze ! s'exclama-t-il. Il descendit cet enfoiré et la tira en sécurité derrière sa propre barricade improvisée.

Il s'apprêtait à jeter un oeil à sa blessure, mais les balles qui fusaient ne lui en laissèrent pas l'occasion.

Il aperçut vaguement la tête de Klaus.

- Toi, là ! Emmène-là en sécurité ! ordonna-t-il sans vraiment le regarder, en continuant à défendre leur position.

Ils allaient en bouffer des balles, ces enfoirés.

- In Freedom we're born, and, like sons of the brave,

Will never surrender, But swear to defend her;

And scorn to survive, if unable to save.

Une jeune fille avait naturellement répondu à sa requête de parole en entonnant le chant français à son tour, et Klaus joignit sa voix à la sienne. Lorsqu'un homme se mit soudain à entonner, à la place, Liberty, le chant de la révolution américaine, la jeune fille se joignit à lui, et Klaus ne se fit pas prier non plus, chantant toujours près de la blessée, pour la distraire.

Il entendit soudain son nom, et leva la tête vers la doc. Il avait l'air costaud - merci. Elle voulait qu'il la porte hors d'ici, en sécurité. Après tout, ça n'allait pas à l'encontre de la requête de Maze. Il souleva alors la blessée dans ses bras, comme une princesse... En temps normal, il aurait pu porter deux à trois fois son bras, mais son genou brisé un an plus tôt protesta douloureusement. Il pouvait remarcher sans aide depuis un certain temps maintenant, mais sa jambe n'avait jamais été comme avant... Cela dit, il se redressa stoïquement : la douleur ne l'empêcherait pas de remplir sa mission. Il avait donné sa parole à Maze. Incapable de chanter sous l'effort, il préféra distraire la blessée par des blagues.

- C'est l'histoire d'un pinguin qu'il respire par les fesses, grogna-t-il donc. Un jour il s'assoit et ... Ah non pas celle-là, euh... Quel est le point commun entre les maths et le sexe ? Plus il y a d'inconnues, plus c'est chaud.

La blessée ne répondit évidemment pas, mais ses conneries semblaient néanmoins l'empêcher de réfléchir à son sort.

Soudain, il entendit la voix du maire l'interpeller.

- Toi, là ! Emmène-là en sécurité !

Mais il croyait qu'il faisait quoi, là, bordel ! Il était déjà en train d'emmener la blessée en sécurité !

Il tourna la tête vers Lucifer pour râler, quand soudain, il réalisa que celui-ci ne parlait pas du tout de la patiente d'Inej.

- Maze ! s'exclama-t-il.

Et il se précipita aussitôt derrière la barricade, s'agenouillant auprès de la femme qu'il aimait.

- Maze ! Je... ça va aller ! Je vais te sortir de là !

Oui... Mais comment ?

Il fit passer la blessée sur l'une de ses épaules, souleva Maze - en s'excusant doucement pour la douleur occasionnée. Puis il se leva.

Enfin, il tenta de se lever. Autrefois, il en été capable d'en porter une de chaque côté... Sauf que depuis qu'un zombie gigantesque lui avait explosé la rotule un an plus tôt, porter le poids d'une seule personne était déjà une épreuve proche de l'insoutenable. Des larmes de rage ruisselèrent sur son visage lorsqu'il réalisa qu'il n'y parviendrait pas.

Il regarda la blessée, puis la femme qu'il aimait.

Il ne pouvait ni rompre la promesse qu'il lui avait faire, ni la regarder mourir.

Il n'y avait donc qu'une seule solution : les protéger ici, toutes les deux, avec l'aide du maire.

Il les reposa doucement dans l'espace barricadé et s'appuya sur la structure pour se relever, dans un craquement patellaire douloureux.

Puis il aperçut l'arme que sa belle avait perdu.

Et une voix familière, une voix qu'il n'avait pas entendue depuis bien longtemps, résonna à ses oreilles.

Cap ou pas cap de buter ces salauds pour la sauver ?

Alors, Klaus ramassa l'arme à feu et se mit à tirer à son tour.

Protéger la population, tel était le devoir d'un shériff. Mais bien sûr, elle ne pouvait pas protéger tout le monde, et surtout pas ceux qui s'apprêtaient à lutter pour leur liberté. Alors, elle décida de prioriser, comme l'avait suggéré Pearl, les plus fragiles : les enfants. A la faveur de l'obscurtié, ils devaient les évacuer, et se barricader avec eux dans la salle de jeu. Et vite, car ça commençait à tirer de tous les côtés. Et aussi... A chanter ? Un type avait entonné une chanson française que Luisa avait un jour découverte dans un film que son père aimait bien, et Musa avait décidé de lui donner la réplique.

Bon, peu important : ils devaient bouger les gamins, et vite. Une procession se forma plus ou moins naturellement. Pearl en avait la tête, Rose se trouvait au milieu avec Musa, accompagnée de quelques personnes que Luisa ne connaissait pas. La jeune fille chantait toujours, le chant entonné par l'ancien maire désormais - l'hymne de la révolution américaine. Prise dans une sorte de transe, elle semblait ne prêter aucune attention aux balles qui fusaient, à l'adolescente blonde qui l'avait rejointe, se bornant à chanter comme une possédée et à marcher dans la direction dans laquelle l'entrainait Rose.

Etaient-ils au complet ? Oui, visiblement, tout ceux qu'ils devaient emmener se trouvaient entre elle et Pearl.

Le problème ?  Certains semblaient paralysés, incapable du moindre mouvement.

- On a tout le monde. Je fais voiture-balai, répondit-elle à sa meilleure amie.

Avec la force qu'elle avait, il ne lui serait pas trop compliqué de lever les petits et de les pousser en avant jusqu'à ce qu'ils finissent par marcher mécaniquement. Le problème ? Et bien, elle devait s'occuper de cela, et en même temps, de couvrir les arrières du groupe.

Elle avisa soudain le père de @Gwen Stacy, un homme qu'elle reconnaissait car elle l'avait autrefois côtoyé au poste de police.

- Mister Stacy, Sir ! Un petit coup de main ? l'interpella-t-elle alors.

A eux deux, ils s'en sortiraient sans problème.

Les bruits devenaient de plus en plus forts, et Musa regrettait la présence de son casque antibruit. Puisqu'elle ne pouvait pas couvrir les sons, elle s'était raccrochée à une musique inespérée, offerte par un drôle d'hurluberlu. Le chant du partisan ? Pourquoi pas, après tout. Il était approprié à la situation, n'est-ce-pas ? Elle s'y raccrocha, donnant de la voix sans se soucier un seul instant de savoir si les gens la comprenaient.

Continue de chanter, mais suis-moi. Lui ordonna Rose, d'une voix qui lui parut étrangement distante, alors que Liberty s'achevait à son tour. Elle aurait pu reprendre le même chant encore et encore. Après tout, tous le connaissaient - quelques voix s'étaient d'ailleur jointes au coeur formé par le ténor et la coloratura soprano. Mais soudain, Rose lui fit une bise sur le front, comme le faisait autrefois sa mère, et un autre chant s'imposa à elle. Un chant qu'elle avait justement appris avec sa mère, et que celle-ci lui chantait autrefois pour l'apaiser. Sa voix douce s'éleva à nouveau dans la salle.

- Amazing grace, how sweet the sound
That saved a wretch like me
I once was lost, but now am found
Was blind, but now I see

Was grace that taught my heart to fear
And grace, my fears relieved
How precious did that grace appear
The hour I first be-

Un coup de poing en plein dans la pomme d'Adam la réduisit au silence tandis qu'elle portait les mains à sa gorge, cherchant soudain son air. Le responsable s'effondra aussitôt, frappé d'une balle. Musa porta un regard empli de panique, tour à tour sur @Ellie Williams, @Rose Tyler et @Gwen Stacy.